Théâtre de la Michodière
4bis, rue de la Michodière
75002 Paris
Tel : 01 47 42 95 22
Métro : Quatre-Septembre / Opéra
Une pièce d’Eric Assous
Mise en scène par Anne Bourgeois
Scénographie de Jean-Michel Adam
Lumières de Laurent Béal
Costumes de Jean-Daniel Vuillermoz
Musique de Jean-François Peyrony
Avec Marie-Anne Chazel (Rosalie), Michel Sardou (Francis)
Laurent Spielvogel (Julien), Caroline Bal (Hélène), Emma Gamet (Mélissa),
Térésa Ovidio (Jennifer), Valérie Vogt (Josiane/Eva) Michaël Rozen (Landru)
Présentation :
C’est le soir du mariage de sa fille que Francis se fait prendre, la main dans
le sac, par sa femme, Rosalie, qui découvre ses nombreuses infidélités.
Le divorce qui s’annonce semble perdu d’avance pour Francis
qui craint de se voir dépouiller. Et puis, il aime toujours Rosalie.
Alors, pourquoi ne pas signer la paix ?
Mais on ne rattrape pas un mensonge par un autre mensonge.
Sa maladresse et sa mauvaise foi vont entraîner les pires représailles de sa
femme…
Mon avis :
Eric Assous a encore frappé ! Et fort. Depuis plus de vingt ans, cet
auteur, souvent récompensé, ne cesse de nous distraire et de faire rire avec
des comédies tournant principalement autour des problèmes de couple et des
relations hommes-femmes. Sa vingtième pièce, Représailles, n’échappe pas à la règle et c’est un bonheur que d’y
retrouver ses situations extrêmes, ses dialogues cinglants et, paradoxalement,
beaucoup d’amour aussi…
Dans Représailles,
il y a « aïe ». Aïe, aïe, aïe même, puisque Francis, le héros malgré
lui de cette comédie, va se prendre une succession de coups au cœur, sur la
tête et… dans le portefeuille. Car il est tout autant un séducteur invétéré
qu’un radin maladif. Ce défaut va bien sûr ajouter à la dimension risible de ce
personnage qui porte déjà en lui ces petites faiblesses inhérentes à la gent
masculine – du moins dans les pièces d’Eric Assous, car dans la réalité il en
est bien sûr autrement – à savoir, une certaine estime de soi, une lâcheté
spontanée, une mauvaise foi chronique… Un rôle en or pour un comédien. Et, disons
le tout de suite, Michel Sardou est impeccable dans ce registre. En plus de son
talent à interpréter les offusqués avec un naturel désarmant, il n’a pas son pareil
pour jouer l’accablement. Un faux-cul qui essuie de vrais revers est, dans son
cas, une antinomie qui vaut son pesant de drôlerie. En résumé, Francis, son
personnage, tente d’évoluer dans une eau qu’il a lui-même troublée. Il sait
que, s’il se retrouve à l’air libre, happé par l’hameçon de la vérité, il va
considérablement manquer d’air et y perdre ses écailles dorées.
Car la personne qui se trouve à l’autre bout de la ligne n’est
autre que son épouse depuis trente ans, Rosalie. Parfaitement au courant de ses
turpitudes et de ses écarts de conduite, elle va les lui faire payer à sa façon.
Et sa vengeance va être à l’aune de ses trahisons… Marie-Anne Chazel est
absolument étincelante dans ce rôle de femme bafouée qui veut châtier lourdement
l’infidèle alors que, visiblement, elle l’aime toujours. Ce qui est d’ailleurs
aussi son cas à lui. Francis est profondément attaché à son épouse… et à sa
fortune ! Cette double dualité est un des ressorts les plus subtils de la
pièce car chacun a ses forces et ses faiblesses vis-à-vis de l’autre... La présence comique et le jeu tout en subtilité de Marie-Anne Chazel sont un régal de gourmet.
Représailles se compose
de trois actes. Le premier, qui se déroule dans la chambre d’un hôtel de luxe, sert
à mettre les personnages en place, de découvrir leurs caractères et de poser les
éléments qui ne peuvent que les conduire au divorce. Dans cet acte, la scène de la
salle de bain, cartoonesque, est un grand moment… Le deuxième acte amène le premier –
énorme – rebondissement. Sardou/Francis est impayable avec ses efforts
désespérés à vouloir faire avaler à Marie-Anne/Rosalie des couleuvres qui sont
aussi grosses que des boas constrictors. Mais la sanction imaginée par sa femme
va au-delà de ses pires appréhensions. Il est touché, presque coulé… Et puis,
dans le troisième acte, avec l’arrivée de Julien (composition croustillante et
pleine de finesse de Laurent Spielvogel), les rebondissements vont se
multiplier par deux. Francis s’enfonce tellement dans le mensonge qu’il creuse
lui-même sa tombe. En plus – facétie efficace de l’auteur – son texte l’amène à
pratiquer une forme d’autodérision en évoquant son mépris et son ignorance de
la chanson française. Du sur-mesure ! Toutes ces péripéties nous amènent à
une fin où, après que Francis ait essayé de tirer les affaires au Clerc, les
trois rebondissements se télescopent pour exploser en une folle apothéose absolument
irrésistible.
Représailles est
donc une excellente pièce « de boulevard », un pur divertissement
dont on suit l’intrigue avec un plaisir évident. Le duo Chazel-Sardou
fonctionne à ravir (on dirait un vrai couple) et l’écriture d’Eric Assous, avec
son art des rebondissements et son talent à nous servir des dialogues percutants, est une vraie délectation.
Gilbert « Critikator » Jouin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire