Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet
Une pièce de Bernard Slade
Adaptée par Gérald Sibleyras
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Décor de Charlie Mangel
Costumes de Brigitte Faur-Perdigou
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Avec Michel Leeb (François), Anne Jacquemin (Delphine),
Philippe Uchan (Achille), Manoëlle Gaillard (Geneviève Petrelli), Arthur
Fenwick (Christophe), Murielle Huet des Aunay (Chloé), Camille Solal (Lucie)
L’histoire :
François Garnier est un homme insouciant et fantasque. Pour lui, la vie est une
bonne et courte blague. Son fils, Christophe, est tout le contraire : un
garçon sérieux, rigide, étudiant en philosophie.
Pour les vacances, ils se retrouvent face à face. La bonne volonté
maladroite du père n’arrange rien. Tout les sépare !
Mais un événement imprévisible va finir par les rapprocher…
Mon avis :
Après Le Scoop, après L’étudiante et monsieur Henri, voici
encore une pièce que je vous recommande vivement.
J’ai passé au théâtre Montparnasse une soirée on ne peut
plus réjouissante. A cela, trois raisons essentielles : une pièce
remarquablement écrite ; des dialogues vifs, enlevés, drôles, percutants,
émaillés de répliques cinglantes ; une prestation époustouflante de Michel
Leeb dans le rôle d’un certain François Garnier…
Déjà, l’entrée en matière est surprenante et originale. Avant
que le rideau se lève, trois des protagonistes de la pièce viennent chanter les
louanges de ce fameux François Garnier à quelques jours de son anniversaire. On
sait donc que l’on va avoir affaire à un individu particulièrement aimé et
apprécié de ses proches.
Le rideau peut alors s’ouvrir sur un intérieur moderne et
spacieux. François joue nonchalamment quelques notes sur un piano. C’est le
matin. Une jeune fille passablement débraillée lui tient compagnie. Elle a
visiblement passé la nuit chez lui. Elle s’appelle Chloé, c’est une sorte de
joli tanagra sexy et déluré. Dès les premiers échanges, on voit que François
adore jouer avec les mots et fuir le moindre échange dès qu’il devient sérieux.
C’est un champion de la pirouette, du pied de nez, de l’esquive, avec un sens
aigu et imagé de la formule. On comprend très vite que nous sommes en présence
d’un Peter Pan blagueur et insouciant qui tourne systématiquement tout en
dérision. Même lorsqu’il s’agit de choses graves…
Chloé à peine disparue, apparaissent Delphine, son
ex-épouse, et leur fils d’une vingtaine d’années, Christophe. Delphine est une
jolie femme, douce et compréhensive. Quant à Christophe, il est la parfaite
antithèse de son père. Limite psychorigide, il est réfléchi, mature, austère,
studieux. Il ne possède pas une once de fantaisie. Pourtant, les deux hommes
vont devoir cohabiter pendant quelques semaines…
Le nœud de l’intrigue réside dans cette confrontation.
Comment deux personnes aussi diamétralement opposées vont-elles réussir à créer
entre elles une passerelle qui leur permette de faire connaissance et
d’échanger ? On ne va pas divulguer les différents rebondissements qui vont
bouleverser l’ordre établi des choses. Toujours est-il qu’on se régale de voir
ce grand enfant de François tenter par tous les moyens de s’attirer l’affection
de son adulte de fils. Des moyens toujours « paternellement »
incorrects. Il confond de manière chronique humour et amour. La chose la plus
importante à ses yeux qu’il aimerait lui léguer, c’est « un peu de joie de
vivre ». Car lui-même il ne peut fonctionner et exister autrement que dans
la légèreté… Et l’affrontement père-fils ne va en être que plus épique.
Le titre de la pièce, Un
drôle de père, qui pouvait sembler banal, prend alors tout son sel. Il faut
entendre le mot « drôle » dans ses deux sens :
« comique » et « inhabituel ». Car François est
effectivement un personnage hors du commun doublé d’un sacré rigolo… Je crois
avoir vu pratiquement toutes les pièces dans lesquelles Michel Leeb a joué – et
il y en a eu de vraiment excellentes – et j’estime que celle-ci lui offre le
plus beau rôle qu’il n’ait jamais eu.
S’il avait forcé le trait – et le personnage pourrait s’y
prêter – il serait devenu insupportable. Or, il a su éviter cet écueil. Il joue
François Garnier tout en finesse, le rendant ainsi sympathique et attachant. Ce
qui va en outre parfaitement avec le jugement que lui portent tous ses proches.
Sauf son fils, bien sûr… François est un homme aimable et aimé.
Un drôle de père
est une fort jolie pièce. Au-delà de la comédie pure, elle parle de la
communication. Pas seulement du dialogue parents-enfants, mais aussi de la
communication tous azimuts. Inutile de chercher à parler sérieusement avec
François Garnier. Et pourtant, derrière ce parti pris de légèreté, on devine qu’il
y a autre chose de plus profond qu’une irrépressible forme de pudeur l’empêche
d’exprimer. Dans ce registre du non-dit mais du suggéré, Michel Leeb est
étonnant de justesse… Au passage, la pièce égratigne gentiment le monde de la
télévision et l’auteur a su saupoudrer subtilement son discours d’un humour
noir de bon aloi.
Les moments les plus intenses sont évidemment les
affrontements père-fils. On dirait deux boxeurs qui pratiquent deux styles
complètement différents. Christophe recherche le corps-à-corps (le cœur-à-cœur ?)
à grand coups de directs furieux et désordonnés. François, comme on l’a dit,
est le roi de l’esquive. Même quand il est touché, il fait encore le fantoche.
Ce qui a nle don d’irriter encore plus son « adversaire »…
Les femmes tiennent une place et un rôle importants dans
cette pièce. Toutes les quatre ont plus que de l’affection pour François. Mais elles
utilisent chacune leurs propres arguments pour exprimer leurs sentiments.
Chacune à sa façon est généreuse et dévouée. Bien sûr, elles n’occupent pas la
même place auprès de lui et dans son histoire, mais elles sont toutes les quatre
lumineuses et positives… Et puis il y a l’ami de toujours, Achille (Philippe
Uchan). Il connaît son François, il sait comment il fonctionne, il le comprend
et il l’absout…
C’est simple, il n’y a que des beaux personnages dans cette
pièce. Une pièce qui fait du bien au cœur tout en nous titillant l’esprit sur
la meilleure façon de communiquer avec les siens…
En tout cas, j’ai passé un merveilleux moment avec de Drôle de père.
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