Théâtre du Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle
Une comédie de Eleni Laiou et Patrick Hernandez
Direction d’acteurs : Emmanuel Guillon
Avec Elena Laiou (Pauline, la voisine), Tadrina Hocking (La
libido), Alexandre Pesle (Antoine)
L’histoire :
Antoine est un écrivain devenu célèbre grâce à ses théories sur l’abstinence.
Lorsqu’il déménage dans son nouvel appartement parisien, il tombe sur sa
nouvelle voisine, une tornade envahissante, sensuelle et pleine de vie, qui
réveille sa libido endormie… Plus il tente de lui résister, plus sa libido se
rebelle, allant jusqu’à s’incarner dans le corps d’une « madame
sans-gêne » délirante qui, dans un langage très fleuri, exprime toutes les
pensées refoulées d’Antoine sur le sexe !
Mon avis :
Définition du Petit Larousse, la libido est l’« énergie de la pulsion sexuelle », et on peut y lire entre
parenthèses qu’elle : « peut
s’investir sur le moi ou sur un objet extérieur »… Cette dernière
partie sera d’ailleurs vérifiable vers le milieu de la pièce,
« l’objet » en question étant matérialisé par… un bonnet
péruvien !
Tout, en effet, est contenu dans le titre de cette comédie.
La (très) bonne idée des auteurs est d’avoir personnalisé la fameuse libido et
de la représenter par une superbe et pétillante jeune femme. Et le
« s » de « conversations » est également important car il
va s’instaurer un véritable dialogue entre Antoine, écrivain prônant les vertus
de l’abstinence, et sa libido, en jachère depuis plusieurs années, et donc
affreusement en manque de sollicitation.
J’ai eu un peur au début de la pièce lorsque la voisine fait
irruption dans l’appartement d’Antoine. C’est une tornade qui déboule chez lui
en robe courte et pigeonnante. Excessive, surexcitée, aguicheuse, la voix haut
perchée, le débit torrentiel, la gestuelle trop appuyée… C’est madame sans-gêne
dans Sept ans de réflexion ! Cette effervescence forcée ne m’était pas
agréable à voir et à entendre. Heureusement, elle était contrebalancée par le
stoïcisme désemparé d’un Antoine très élégant dans son costume-cravate de
velours.
Une fois cette entrée en matière tonitruante passée, on
commence à s’amuser de son accent et de ses fautes de français que reprend
systématiquement de volée notre écrivain. Les dialogues se font plus vifs et
plus sensés, incluant ça et là quelques jolies formules qui font mouche…
Et puis, à l’instar ce cette envahissante voisine, c’est l’irrationnel
qui fait irruption dans la pièce avec l’intrusion d’un personnage a priori
virtuel mais très charmant à regarder : la libido d’Antoine. Au moment où
elle se concrétise sur scène, la comédie franchit un palier et on commence à s’amuser
vraiment. D’autant qu’intervient un stratagème, souvent employé certes, mais
toujours très efficace : Antoine est le seul à voir et à entendre sa
libido alors qu’elle n’existe pas pour Pauline. Cet état de fait est bien
entendu source de nombreux quiproquos et de dialogues farfelus. S’en suivent,
sur un rythme soutenu, des répliques ping-pong, réglées au cordeau.
Ce n’était pas évident de tenir près d’une heure et demie
sur un tel sujet pas facile à traiter. Or, les auteurs ont réussi cette gageure
de parler de sexe quasiment en permanence sans être jamais graveleux ou
vulgaire. Ça se tient vraiment. Ils mettent en scène la libido sans être
libidineux et, en plus, c’est fait plutôt intelligemment.
Evidemment, la libido, si longtemps jugulée par l’auteur d’un
livre éloquemment intitulé La vie
a-sexuelle, éloge de l’abstinence, sentant qu’il y a enfin un frémissement
et une possibilité de passage à l’acte, fait tout ce qu’elle peut pour l’encourager.
Son réveil et son sentiment d’urgence sont tels qu’elle ne s’attarde pas à user
de formules de politesse. Quand elle se présente à Antoine, elle va droit au
but : « Je suis la voix de ta quéquette ! ». Pris hors contexte,
ça peut paraître un peu potache, mais ça a l’avantage d’être explicite. De même,
elle n’hésite jamais à employer un langage cru et imagé (bonjour le
dictionnaire des synonymes et les métaphores sur l’acte sexuel !). Une
autre jolie trouvaille concernant la libido, c’est de l’avoir vêtue dans les
mêmes tons qu’Antoine, montrant ainsi qu’ils forment une seule entité,
provisoirement dédoublée.
Dans le public, il y avait une majorité de femmes. Visiblement
conquises et peut-être concernées, elles ne se privaient pas de rire aux éclats.
Conversations avec ma libido est une comédie qui se laisse
voir. Elle est, ainsi que je l’ai souligné, bien écrite, et elle possède un
rythme qui ne faiblit jamais. Il est vrai que les trois comédiens se donnent
avec une générosité totale. Eleni Laiou, qui a coécrit la pièce, s’en donne à cœur
et à corps joie. Ce n’est que vers la fin que l’on comprend pourquoi elle est
si agitée au début de la pièce. En tout cas elle fait preuve d’une sacrée vitalité…
Tadrina Hocking incarne une libido que tous les hommes souhaiteraient avoir,
surtout sous cette forme (ou sous ces formes). Elle s’amuse visiblement
beaucoup à titiller son Antoine et à lui faire (re)monter son taux de
testostérone. Son rôle – comme les deux autres d’ailleurs – est très physique.
Elle assume son personnage virtuel avec une réjouissante fantaisie et
énormément de charme… Quant à Alexandre Pesle, tiraillé qu’il est entre la
volcanique Pauline-la-Voisine et la véhémence de sa libido en manque d’exercice,
il nous la joue un peu à l’anglosaxonne. Pour sa première expérience théâtrale
(une pièce n’a rien à voir avec le one man show dans lequel il excelle), il
montre qu’il possède une palette assez large. Toujours juste, il donne de la crédibilité
à un Antoine qui doit passer par tous les états d’esprit.
Bref, Conversations avec ma libido, est une pièce gentiment
coquine que l’on pourrait sous-titrer « Les jeux de l’amour et de l’avatar »…
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