samedi 20 juillet 2013

Xavier-Adrien Laurent, Artiste Dramatique

Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tel : 01 45 44 57 34
Métro : Notre-Dame des Champs / Vavin
(Jusqu’au 6 octobre)

Textes de Xavier-Adrien Laurent avec la complicité d’Hervé Lavigne et Sam Khébizi
Mise en scène d’Hervé Lavigne
Collaboration artistique de Marie Guibourt
Lumières de Stéphane Neville
Costumes de Sabine Richaud

Le spectacle : Lumière sur un plateau dépouillé… Xavier-Adrien Laurent, Artiste Dramatique exigeant partage l’ivresse de textes d’anthologie : Ô combien de marins, combien de capitaines… ? Nous ne le saurons jamais !
Ce soir, quelque chose a craqué. L’écoute du public ?... L’artiste ?...

Mon avis : Revêtu d’un accoutrement hétéroclite et hybride, mi-militaire, mi-civil, l’épée au côté, Xavier-Adrien Laurent (que nous appellerons « Xal » par simplification), déclame avec un grand sérieux Oceano Nox de Victor Hugo. On le sent très concentré, très appliqué. Et puis soudain, la tuile ! Imprévisible, insupportable, inadmissible : le Trou de mémoire !… Et, en plus, face à « une vingtaine de clampins »… En dépit de ses efforts, la suite du texte s’est évanouie « dans ce morne horizon » qu’est la salle, … Alors, comme il est évidemment inconcevable que la défaillance vienne de lui, il est bien plus facile de s’en prendre au public. Et dans l’invective il fait preuve d’autant de talent que dans la déclamation. Trois têtes de Turc vont successivement subir ses foudres aussi hypocrites que démesurées.

Passés sa colère et son déversement de fiel, l’Artiste reprend possession du plateau. Meurtri dans son ego, on le voit se liquéfier, redevenir soudain plus humain pour tenter d’expliquer. Expliquer les affres du comédien, la noblesse de sa mission, la fragilité de l’exercice du seul en scène. C’est presque à regret qu’il évoque l’humilité. Il préfère bougonner, vitupérer. Diable, il a la faconde méditerranéenne ! Avec son regard pénétrant, il nous scrute, nous prend à témoin, nous capte et nous indispose à la fois.
Il revient avec insistance sur les fonctions de l’artiste : remplir le vide, donner une âme aux objets… Et il donne des exemples ; cite des auteurs. Quand sa fébrilité à nous convaincre devient trop intense, il se calme avec de grandes gorgées de Verlaine. Et puis il ouvre large l’éventail de sa démonstration. Il démontre la corrélation existant entre l’enfant et l’acteur. Il glorifie l’école, stigmatise l’ignorance. Il remonte jusqu’aux sources du théâtre, en Grèce…

Profondément épris de mots et de beaux textes, Xal nous offre une brillante logorrhée. Pour se mettre à notre portée, ne perdant jamais de vue l’esprit didactique qui l’anime, il saupoudre ses envolées les plus exaltées de comparaisons scatologiques. Là aussi, il ne fait pas dans la demi-mesure ! Il parle souvent de l’importance du rêve, décortique l’indicible et le dicible, décrypte Mignonne, allons voir si la rose…, transpose Titus et Bérénice en langage texto…
Même si la sienne est vraisemblablement plus grosse que la notre (de culture théâtrale), il n’en nourrit aucune arrogance car il a le sens du partage…

Vers la fin du spectacle, ses origines marseillaises reprennent le dessus. Et il s’attarde à deux des emblèmes actuels de la cité phocéenne, Plus belle la vie et l’OM. La métaphore entre le foot et le théâtre se pose en évidence. L’arène où s’ébattent les Bleu et Blanc devient le Stade Mélodrome…
Xal occupe l’espace avec une vitalité impressionnante. Son jeu est si habité, si vibrant, sa passion pour la poésie est si impérieuse qu’il en est impressionnant, voire dérangeant. Alors que je suis sûr qu’il est en permanence dans le second degré et l’autodérision. Il joue tout le temps, avec lui, avec nous, avec les mots, avec les postures. C’est un comédien remarquablement structuré qui sait jouer tous les sentiments avec juste ce qu’il faut d’esbroufe et d’ostentation pour que, finalement, on ne le prenne pas au sérieux. Je suis convaincu qu’il n’apprécierait pas le contraire.


Xal a construit un spectacle complètement personnel. Il y a mis beaucoup de lui-même, de son histoire, de son vécu. C’est dense, riche, inventif, original et, il faut bien l’admettre, aussi gonflé qu’intelligent. Le Lucernaire est le cadre idéal pour ce type de démonstration car il exige tout de même une certaine connivence entre l’Artiste et son public…

Gilbert Jouin

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