vendredi 26 juillet 2013

Les Malheurs de Rudy

Le Grand Point Virgule
8bis, rue de l’Arrivée
75015 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Montparnasse

Ecrit par Rudy Milstein
Avec Rudy Milstein (Rudy), Johann Dionnet (Johann), Jean Gardeil (Jean), Agnès Miguras ou Alexandra Chouraqui (Alex)

Le propos : Rudy, c’est ce mec qui sourit à tout ; à la vie, aux emmerdes, aux siennes et à celles des autres. C’est ce mec qui dit tout, tout ce qui lui passe par la tête. Au grand désespoir de son frère, de son meilleur pote, et de toutes les femmes de sa vie.
On suit les aventures de Rudy et de son frère qui apprennent à la mort de leur mère un terrible secret familial…

Mon avis : Un jeudi soir de juillet, la salle était pleine ; pleine en grande majorité d’un public jeune (18-35 ans). C’est un signe probant de la popularité grandissante de l’auteur et personnage principal de la pièce, Rudy Milstein. Avec Sébastien Castro, il est un des fleurons issus de l’Atelier de Pierre Palmade, un de ceux qui savent tout faire, écrire, jouer, mettre en scène…

Sa pièce est loin d’être rudymentaire, au contraire, elle est même rudyment bien, drôlement bien ficelée. Elle raconte en une douzaine de saynètes vives et nerveuses un moment de la vie de Rudy, moment qu’il partage avec son frère, Jean, son meilleur copain, Johann, et une jeune fille, Alex… Très vite, on comprend à quel personnage atypique nous avons affaire. Rudy, c’est l’homme qui rit. Mais contrairement au héros de Victor Hugo, son sourire à lui n’est pas artificiel. Il est aussi spontané et éclatant que chronique. Quel que soit l’avatar qui survient, il se marre. Il n’y a aucune prise face à un garçon en permanence hilare et qui dit « pardon » à tout bout de champ. Pas facile donc d’être son frère, son pote et, a fortiori, sa petite amie…

Les malheurs ? Ils émaillent certes sa vie, mais ils ne l’affectent pas. Tel un bouchon sur un cours d’eau, il surnage tout le temps. Et avec la banane. En revanche, son apathie, sa placidité, son inconscience provoquent de sacrés dégâts collatéraux. Rudy est en décalage total avec la réalité. Il fonctionne avec ses propres codes et les impose presque involontairement aux autres. En fait, il est aussi horripilant qu’attachant. Attachiant même, devrait-on dire…

Autour de ce baba-cool lunaire et débonnaire, qui tape l’incruste avec un sans gêne incroyable, gravitent deux garçons plutôt normaux. Jean, son frère, d’abord. Il est aux antipodes de Rudy, ce qui permet des scènes de comédie absolument hilarantes. Jean est un anxieux, il est nerveux, sérieux, responsable. Le comportement de son frère le dépasse complètement. Il s’emporte, s’insurge, tente de lutter, puis il lâche prise parce qu’il y a ce sourire désarmant. Il a, de son frère, le jugement le plus juste et, à un moment, excédé, il a lui assène l’évidence : « T’es qu’un gosse ! ». Constat qui traverse sans s’arrêter dans le cerveau de l’intéressé.
Johann, lui, trouve la façon d’être de Rudy plutôt marrante. Il a même tendance, comme lui, de profiter du côté installé de Jean et de sa Wi… Il s’amuse bien entre les deux frères, jusqu’au moment où Rudy lui sort un incommensurable lapin de son chapeau, une annonce qui va le laisser pantois et révolté… C’est ça Rudy. Il a un sens des valeurs très personnel…
Quant à Alex, dont je vous laisse découvrir le pourquoi de son irruption dans la vie des deux frères, elle est, à l’instar de Rudy, un personnage hors norme, imprévisible. Elle est caractérielle, versatile, névrosée, susceptible… Pas évidente à gérer, quoi !

Construite, comme je l’ai précisé plus haut, sur une succession de tableaux assez brefs, cette comédie repose sur des choses toutes simples, mais traitées d’une manière redoutablement efficace. Il y a un fil rouge qui relie toutes les scènes entre elles, ce qui fait qu’on est avide de savoir comment l’histoire va évoluer. Les caractères antagonistes de Rudy et de Jean, la prise en otage de Johann, la folie plus ou moins douce d’Alex permettent des situations vraiment croquignolettes. Il y en a que l’on voit venir et on s’en réjouit à l’avance ; et d’autres qui nous prennent par surprise et qui nous font réagir immédiatement. Il y a deux-trois scènes où le public hurle de rire (celle du téléphone par exemple). C’est tellement bien joué qu’on est partie prenante tout au long de ces 75 minutes que dure le spectacle.

Les quatre comédiens son épatants. Je ne sais pas comment Jean, Johann et Alex peuvent garder leur sérieux lorsque le public explose de rire, et qu’ils doivent temporiser pour enchaîner leur réplique.

Bien sûr toute la pièce repose sur cet énergumène qu’est Rudy. J’avais déjà remarqué son sourire et son flegme permanents dans L’Entreprise, au Tristan Bernard ainsi que dans quelques shows donnés par la troupe de l’Atelier de Pierre Palmade à la Grande Comédie et à la Gaîté Montparnasse. Il s’est créé un vrai personnage, une sorte d’hurluberlu que l’on préfère imaginer dans la famille des autres que dans la sienne, mais pour lequel on ne peut s’empêcher de nourrir une réelle affection.

Gilbert Jouin

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