Apparemment, dans son premier album éponyme, Zaz n’avait dévoilé
que le recto de sa personnalité. Aujourd’hui, pile trois ans après, elle y
ajoute le verso. Raison pour laquelle je trouve Recto Verso plus abouti que le précédent. Qui était déjà très
bien ! Il contient plus de facettes, plus d’explorations, plus d’audaces
aussi. Mais, telle Ariane, elle a su garder le fil de ce qui constitue son
originalité et qui a fait son succès. On ne s’attardera plus cette fois sur
cette voix si particulière, délicieusement écorchée, à nulle autre pareille. Zaz
a apporté un sang nouveau - un chant nouveau même – à la chanson française.
Elle en est aujourd’hui un des plus beaux fleurons.
Donc, dans Recto Verso,
si on ne découvre plus la chanteuse (bien que la singularité de ses cordes
vocales soit toujours aussi séduisante), on découvre en revanche une
interprète. En effet, pour bien faire passer les thèmes de certains titres, il
ne faut pas avoir peur de livrer toute l’étendue de sa sensibilité et/ou la
force de ses convictions.
Dans l’énorme diamant que fut Je veux, elle s’est amusée à tailler d’autres joyaux, exploitant
ainsi un filon qui fut sa première carte de visite. Mais elle a eu la sagesse
de ne pas puiser par trop dans ce cousinage. C’eût été une solution de
facilité. Et je ne pense pas que ce soit son genre. Seules, en fait, les deux
premières chansons, On ira et Comme ci, comme ça revendiquent ce
cousinage, la première pour son rythme, la seconde pour son texte.
Après ce préambule, il est grand temps d’entrer dans le vif
du sujet et de discotopsier ce deuxième opus de Miss Zaz.
1/ On ira
Signée Kerredine Soltani, comme Je veux, c’est une chanson lumineuse, tonique, positive. Prônant
les rencontres, la mixité dans tous ses domaines, Zaz y chante la beauté du
monde et sa confiance en l’humanité. Le texte joue beaucoup sur le name
dropping.
2/ Comme ci, comme ça
Là, comme dans Je veux,
Zaz revendique haut et fort sa liberté : « Je choisis d’être moi ». Sur une ambiance manouche, elle déclare
ne vouloir en faire qu’à sa tête, faisant entièrement confiance à la « petite voix qui la pousse »
3/ Gamine
Signée Mickaël Furnon (Mickey 3D) cette chanson évoque les
affres de l’amour, mais énoncées d’une voix presque neutre, sur un ton badin.
Tout en affectant l’indifférence, elle profère néanmoins quelques menaces. Réactions
classiques de la part d’une fille amoureuse qui a peur…
4/ T’attends quoi
Chanson-message : il y a urgence à préserver notre
monde. Cri d’alarme, ode à la nature, inquiétude devant une Terre que l’homme
envoie à sa perte. Le sujet est vraiment bien traité.
5/ La lessive
Le thème évoqué dans ce titre rejoint On ira. Hommage à l’humanité, beauté des êtres, aptitude à ne
retenir que les « moments de grâce »
que représentent les belles rencontres. Tout cela est psalmodié en alexandrins,
la voix très devant, avec juste une guitare. C’est osé mais parfaitement
réussi. Très beau titre !
6/ J’ai tant escamoté
Chanson réaliste à l’ancienne habillée par un joli
accompagnement façon bastringue avec accordéon. La ritournelle entraînante
contraste subtilement avec le constat mélancolique d’un texte qui exprime la
lassitude du mensonge, des promesses non tenues. Superbe interprétation véhémente
et suintante de sensibilité.
7/ Déterre
Voix murmurée, façon incantation. Tout en susurrant
doucement « Fais du bruit »,
Zaz nous exhorte à nous réveiller, à nous prendre en main, à surmonter nos
peurs et nos inhibitions, à exhumer nos « trésors enfouis »… Sa montée en puissance au fur et à mesure
que la chanson avance est réellement impressionnante.
8/ Toujours
Chanson bucolique d’une fille très « nature », qui
se veut libre en tout endroit et en toutes occasions, qui refuse de prendre la
vie et de se prendre, elle, au sérieux. C’est l’hymne d’une Cosette devenue
Gavroche.
9/ Si je perds
Cette chanson, carrément à part dans cet album, est dure à
entendre. Elle traite avec une terrible lucidité de la vieillesse, de la fin de
vie. Il serait tellement plus facile et confortable de se réfugier dans l’oubli
que de supporter tous les désagréments de l’âge, de se sentir inutile, d’être
un poids déjà mort pour les autres. Le dernier espoir, l’ultime secours serait
donc de « perdre la mémoire »
10/ Si
Du pur jus de cet « Enfoiré » de Jean-Jacques
Goldman ! Zaz chante a cappella pratiquement de bout en bout. C’est à
peine si un piano intervient discrètement pour souligner la montée. C’est une
chanson pleine d’envies, de partages, de rêves de solutions pour que le monde
aille mieux. Mais on sent, en filigrane, que malgré toute la bonne volonté que
l’on y met, il y a un réel aveu d’impuissance. Cette chanson, qu’elle sait
utopique, Zaz la termine magistralement par une plainte.
11/ Oublie Loulou
C’est amusant car je n’ai vu qu’après l’avoir écoutée que
Oublie Loulou était une chanson d’Aznavour. Moi, j’avais trouvé qu’elle
ressemblait à du Trenet ! Marrant, non ?... Le débit est sur-vitaminé ;
reposant sur les sonorités, le texte regorge d’onomatopées. C’est un funny
song, jazzy, amusant, ludique, tonique, réjouissant. Et puis, quelle partie de
violon !
12/ Cette journée
Encore un superbe texte. Exhalant énormément d’amour, il
traite d’une relation forte et de la quête d’identité… A qui s’adresse-t-il ?
A un père, un frère, un ami, un amant ? Je pencherais pour le premier,
mais en fait, on s’en fout. Il n’y a que ce qui est dit et la manière de le
dire qui compte.
13/ Nous debout
Chanson signée David McNeil et Ours sur un thème éternel et
quelque peu éculé : vivre debout, se battre, ne pas se laisser enliser « même les pieds dans la boue ». C’est,
de loin, la chanson la plus faible de cet album. Elle est impersonnelle et elle
n’apporte rien.
14/ La lune
Métaphore d’un pays imaginaire idéalisé auquel il faut bien
donner un nom, alors on choisit la lune, tellement chargée en symboles. C’est
une manière de fuir la réalité terrestre et les brûlures du soleil. C’est le
refuge rêvé, une illusion. On voudrait y croire tout en ayant conscience qu’il
s’agit d’une abstraction. C’est une bonne chanson de fin…
1 commentaire:
Voix effroyable !
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