Théâtre Maxim’s
3, rue Royale
75008 Paris
Tel : 01 42 65 30 47
Métro : Concorde / Madeleine
Pièce de Pierre-André Hélène
Mise en scène par Théodora
Mytakis
Avec Véronique Fourcaud
Jusqu'au 29 juin
Reprise en septembre
L’histoire : A l’hôtel Carnavalet, madame de Sévigné écrit… A
sa fille, bien sûr, et pour cela, elle se remémore sa vie, ses bonheurs, ses
difficultés, le monde, la cour… Elle est belle, veuve, courtisée mais n’a pas
voulu succomber. Et surtout, sa fille la fuit en Provence… Comment survivre à
cette séparation ? En écrivant… Ainsi, elle raconte, et nous raconte, une
femme de son temps, évoquant le quotidien, les interrogations, les joies et les
peines d’une vie au Grand siècle.
Mon avis : La Marquise de Sévigné nous fait le grand honneur
de nous recevoir dans son salon de son hôtel Carnavalet, une exquise
bonbonnière un peu kitsch, pour nous proposer une sorte de
« compilation » de ses nombreuses lettres adressées à Françoise, sa
fille adulée. Il faut savoir qu’elle lui écrivait trois fois par semaine (on en
a recensé plus de mille !). Le choix de ces missives, qui ne pouvait donc
qu’être éclectique, nous offre un parfait éventail de l’atmosphère qui régnait
à cette époque. Et quelle époque ! C’est celle du Roi Soleil quand même…
Véronique Fourcaud, qui incarne
magistralement la Marquise, nous raconte le contenu de certaines de ces
lettres. Elle les rend vivantes, elle les joue en utilisant à toutes les
intonations de sa voix. Parlé comme écrit, son style est très riche et sa
langue est aussi acérée que sa plume d’oie. La marquise aime à badiner. A la
fois en dehors et en dedans de la société, elle porte un regard amusé, souvent
même très ironique, sur ses contemporains. Et plus particulièrement sur les
pratiques de la cour du Roi… Elle se fait chroniqueuse : mondaine pour
nous narrer les mésaventures du cuisinier Vatel, judiciaire pour nous rapporter
par le menu la sordide Affaire des Poisons, allant même jusqu’à se
métamorphoser devant nous en marquise de Brinvilliers. Elle aime les détails.
Son écriture est très imagée… Lorsqu’elle évoque la cour, c’est le who’s’who de
la deuxième partie du 17ème siècle qui défile. Elle reconnaît
aisément se comporter parfois en courtisane tout en restant lucide sur la
vanité (dans les deux sens du mot) de son comportement. L’œil de Véronique Fourcaud
est souvent empli de malice.
Elle parle aussi de sujets plus
futiles comme la mode, la coiffure, les jeux de salon. Elle chante, elle danse
le menuet… Madame de Sévigné est, à sa façon, une ethnologue. Raison pour
laquelle, témoin de son époque, sa correspondance contient une véritable valeur
historique. Elle a une très haute opinion d’elle-même, ne supporte pas qu’on la
brocarde alors qu’elle ne se prive pas d’ironiser sur untel ou unetelle. Elle
semble aussi nourrir une profonde aversion pour son « lapin » de
gendre, le comte de Grignan, qui la prive douloureusement de sa fille.
Car, sans sa fille, il n’y eût
sans doute point eu de correspondance… Ou alors beaucoup moins. La relation de
madame de Sévigné avec sa fille est obsessionnelle. Bien qu’elle soit absente –
ou plutôt parce que, justement, elle est absente – Françoise est omniprésente
dans les pensées de sa mère. D’où, pour compenser, cette navette épistolaire
permanente.
Ce spectacle est très agréable à
suivre. Et pour la qualité des textes de la dame, et pour la prestation de
Véronique Fourcaud et, enfin, pour la variété de sa mise en scène. Il a été en
effet extrêmement judicieux d’illustrer les lectures avec des bruits
extérieurs, des notes de clavecin, des ébauches de dialogues (avec le Roi, avec
Bussy-Rabutin…) et même de nous faire entendre Françoise lisant une de ses
lettres. Grâce à ces ruptures de bon aloi et au jeu très complet de la
comédienne, Moi, Marie, marquise de
Sévigné est un spectacle léger, pétillant et plein de finesse qui nous
transporte dans un salon du Grand Siècle et se déguste avec plaisir comme la nouvelle
boisson très en vogue à cette époque : le chocolat.
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