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Christophe Maé a acquis
aujourd’hui la sagesse d’un vieil indien. Il sait désormais donner du temps au
temps. Pour ce nouvel album studio – son quatrième -, il a su se poser ;
il a travaillé comme un artisan, dans son studio d’enregistrement. Cette fois,
ses voyages, il ne les a pas réalisés physiquement. Il les a accomplis à
l’intérieur de lui-même et il a découvert d’autres richesses, plus
personnelles, plus intimes. L’Attrape-Rêves
est le fruit de cette intense introspection. Il est le résultat d’un travail à
quatre mains et à deux têtes : Christophe et Paul Ecole, un auteur ayant
déjà collaboré avec Oxmo Puccino et Calogero.
Il est arrivé par le passé que
l’on raille un tantinet Christophe Maé pour la simplicité de ses textes. Or,
dans L’Attrape-Rêves, la première
chose que j’ai remarquée, c’est la qualité des paroles. J’y reviendrai.
Même en restant au cœur de Paris
dans le quartier du Marais, Christophe Maé a le roots rock dans les veines.
Lui, ses rêves, c’est avec un arc qu’il essaie de les attraper. Il n’y parvient
pas toujours, mais il y en a certains qu’il a atteints en plein cœur. De cœur,
donc d’amour, il en est d’ailleurs beaucoup question dans cet album. L’amour
pour sa compagne explose dans Ballerine,
celui qu’il ressent pour ses enfants est évoqué dans L’Attrape-Rêves et dans Marcel,
et son affection pour ses potes est affichée dans Les amis.
Dans cet album, Christophe sort
de sa réserve pour jouer à l’indien. Sur la pochette du CD, son nom est
transpercé d’une flèche ; sa galette est couverte de plumes. Et dans
quelques chansons, les allusions abondent (L’Attrape-Rêves,
Californie, La Vallée des larmes). La sagesse évoquée plus haut lui est
venue avec la quarantaine (40 ans demain).
Il est dorénavant plus enclin à fumer le calumet de la paix dans son tipi du
Sud de la France que de partir sur le sentier de la guerre. Ou alors, il
s’agirait plutôt de la tendre guerre avec Nadège, sa squaw (Ballerine).
L’Attrape-Rêves est donc un album très personnel. Musicalement et
vocalement, il est totalement homogène. La voix et l’univers de Christophe Maé
n’appartiennent qu’à lui. Il ne ressemble à aucun autre artiste dans la chanson
française. C’est là sa grande force et son originalité. Sa grande sincérité lui
permet de ne jamais être dans la posture, et encore moins dans l’imposture.
Christophe est un homme vrai. Il a suffisamment galéré avant de connaître ce
succès phénoménal pour ne pas savoir la valeur des choses, leur essentialité.
Cette authenticité transpire tout au long des textes des dix chansons de ce
nouvel opus.
1/ L’Attrape-Rêves.
La seule chanson écrite par Boris
Bergman. Mais elle préfigure de la suite. Christophe invoque le Grand Manitou
pour lui demander surtout de bien protéger ses papooses. De cette incantation
scandée avec une certaine véhémence il se dégage une profonde humanité. Elle
contient aussi un message important : il faut viser des rêves, essayer de
les réaliser et, lorsqu’on les a réalisés, on réalise sa vie en même temps.
2/ La Parisienne.
Sur un ton saccadé et amusé, il
ironise sur un certain type de provinciale jouant à la « Parisienne »
d’aujourd’hui. Du haut de ses 40 piges, avec sa « ganache d’Apache »,
il se sent un peu largué et dépassé, tant sur le vocabulaire que sur le mode de
vie. Reflet d’une époque, le portrait, volontairement caricatural, est truffé
de clins d’œil. Il prête certes à sourire mais il est également empreint de
bienveillance.
3/ Californie.
Enorme travail sur les sons sur
cette chanson qui est un véritable dépliant touristique, une succession de
cartes postales sur une Californie idéalisée. Là aussi le tempo est haché.
Parfois j’y ai trouvé des intonations à la Bashung. Le texte est tellement
ciselé qu’on a l’impression d’entendre des onomatopées. Quel rythme.
4/ Il est où le bonheur.
Ne serait-ce que pour cette
chanson, cet album mérite qu’on l’achète. La première fois que je l’ai entendue
à la radio, je l’ai reçue en pleine tête. C’est un tube, un vrai bijou !
D’autant que le texte est loin d’être anodin. D’abord, il est autobiographique.
D’où son interprétation extrêmement habitée et convaincante. L’interrogation
est permanente, obsédante. Sa recherche, personnelle, devient la nôtre. Il
passe de l’intime à l’universel. A cette question existentielle, il apporte une
réponse fataliste : « On fait comme on peut »…
5/ Les amis.
Cette chanson est de la même
veine que La Parisienne. Regard
critique et là aussi chargé d’ironie sur les attitudes, les comportements
affectés d’individus qui se la jouent, qui prennent des airs et se construisent
des personnages qui ne sont pas eux-mêmes. C’est pittoresque, imagé et…
tellement vrai, tellement bien observé. Et, tout comme dans La Parisienne,
entre les lignes on perçoit une réelle indulgence car « on les aime quand
même ».
6/Marcel.
Chanson-hommage au fiston.
Christophe se livre. Il raconte sa façon d’être avec lui et s’avoue aussi « gamin »
que lui. Dans sa voix, chargée de tendresse, on perçoit une incitation au jeu,
à le faire durer le plus longtemps possible le temps de l’innocence. Des
conseils tout simples qui font la part belle à la notion de plaisir.
7/ Lampedusa.
Cette chanson est un véritable
tour de force en ce sens que, pour évoquer ce drame humanitaire qu’est l’émigration,
il s’est mis carrément dans la peau et dans la tête d’un migrant. Façon habile
pour marquer son soutien à ces déracinés, à ces victimes involontaires de la
folie des hommes. Cette aventure que son héros vit en solitaire est la plus
réaliste des formes de « l’attrape-rêves ». Jamais larmoyante, jamais
misérabiliste, cette chanson est surtout pleine d’espoir, d’amour, de courage
et de dignité. Or, après d’être muée en gospel, elle se termine brutalement en
un cri de désespoir. Traitement réussi d’un sujet délicat.
8/ La Vallée des larmes.
Joli exercice de style. Abondance
de jeux de mots autour de la culture indienne. Elle m’a fait penser au Cow-boy d’Aubervilliers. Sa « vallée
de larmes » à lui se trouve du côté de la Plaine Saint-Denis. Clin d’œil à
Johnny et à Eddy. Cette chanson est une de mes préférées car elle est à la fois
amusante et réaaliste. C’est toujours bien plus efficace de dire les choses
sous le biais de l’humour.
9/ 40 ans demain.
Coup d’œil dans le rétro pour
faire le point sur « une vie à moitié pleine ». Analyse d’un
parcours, souvenirs, dualité entre l’enfant qu’il a été et l’homme qu’il essaie
d’être. Aveu d’incertitude et d’angoisse. Même s’il s’estime globalement
satisfait du bilan, il reconnaît ne pas avoir appris grand-chose.
10/ Ballerine.
Superbe déclaration d’amour
pleine de pudeur et de sensibilité. Une émouvante invitation au mariage émise
avec respect et déférence, saupoudrée de belles images. Cette chanson est la
plus belle conclusion de l’album car, si la dame dit « oui » à son
troubadour, le plus beau de ses rêves sera « attrapé ».
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