Théâtre Tristan Bernard
64, rue du Rocher
75008 Paris
Tel : 01 45 22 08 40
Métro : Villiers /
Saint-Lazare
Un mélo burlesque de Pierre
Guillois
Co-écrit avec Agathe L’Huillier
et Olivier Martin-Salvan
Mis en scène par Pierre Guillois
Décor de Laura Léonard
Lumières de Marie-Hélène Pinon
Costumes d’Axel Aust
Avec Pierre Guillois, Agathe
L’Huillier, Jonathan Pinto-Rocha
Présentation : Il était une fois, aujourd’hui, trois petites
chambres de bonnes haut perchées sous les toits qui dominent Paris. Un gros homme,
un grand maigre et une blonde pulpeuse sont voisins de couloir. L’histoire
serait joliment romantique si ces trois hurluberlus n’avaient comme
particularité de tout rater. Absolument tout. Les catastrophes s’enchaînent,
les gags pleuvent, tandis que ces trois fantoches s’accrochent à tout ce qui
ressemble à l’amour, à la vie ou à l’espoir.
Mon avis : Sur l’échelle de Richter du rire, j’accorde à Bigre une magnitude « forte » ;
c’est-à-dire de 6 à 6,9 (sur 9) : « peut provoquer des dommages
sérieux, seuls les édifices adaptés résistent près du centre »…
Evidemment, les « dommages sérieux » concernent principalement notre
rate qui, sous l’effet de secousses de rires brusques et répétés, peut se dilater, ainsi que nos zygomatiques si
souvent sollicités.
Bigre est bigrement difficile à analyser. Tout est dans son
sous-titre puisque cette pièce est définie comme étant un « mélo burlesque ».
Il est vrai que, si on y pense après, à tête reposée, cette pièce est un
mélange de comédie réaliste à l’italienne façon Les Monstres et de nonsense britannique digne des Monty Python
genre Le Sens de la vie. En effet, si
on se montre très attentif, ici le tragique côtoie en permanence le comique.
Mais ce dernier l’emporte largement parce que son auteur a tout fait pour ne
pas noircir le trait et pour que ses trois antihéros nous soient plus attachants
que pathétiques.
Leur quotidien n’est pas drôle en
soi, leur vie est plutôt tristounette mais ce sont leurs maladresses qui, en déclenchant
des situations invraisemblables, vont provoquer nos fous-rires. Et pas qu’un
peu…
Pour moi, le décor est le
quatrième personnage de cette pièce. Les trois minuscules chambrettes contiguës en coupe, le couloir qui les réunit et le toit qui les abrite vont servir non
seulement de cadre mais également d’acteurs tant on dirait qu’ils sont animés d’une
vie propre. Tout autant que la maîtrise drolatique des trois comédiens, c’est l’ingéniosité
des gags, des effets spéciaux et d’une bande-son insensée qui vont nous faire
parfois atteindre des sommets dans le registre du burlesque.
Le début est plutôt plan-plan. Il
nous permet de faire connaissance avec nos trois hurluberlus et leurs
intérieurs respectifs. La première chambre (côté jardin) est occupée par celui
qui est présenté comme étant « le gros ». Elle est d’une propreté
éclatante, truffée de gadgets modernes, ce qui indique un propriétaire
méticuleux, maniaque et un tantinet coincé… Au milieu réside « le maigre ».
Sa turne est un foutoir invraisemblable. Tout y est en désordre mais tout est
conçu pour être pratique. Ce bordel organisé lui permet astucieusement un
minimum de gestes dans un minimum d’espace… Le côté cour est occupé par « la
blonde pulpeuse ». C’est un intérieur très féminin, plus coloré, avec
télévision et vasistas qui donne accès sur le toit… Et puis, sur tout le devant
de la scène, c’est le couloir, sorte de no man’s land où ils peuvent se croiser
ou se retrouver.
Soudain, passées ces premières
dix minutes de présentation, les choses se délitent brutalement. Les
catastrophes s’enchaînent, tout devient cataclysmique. Les gags-gigogne se
succèdent dans un maelstrom incontrôlable. Tout leur échappe. Tels des pantins
dépassés, ils subissent les agressions d’objets alors doués d’une âme maléfique.
La météo elle-même y va de sa contribution. Les éléments se déchaînent contre
eux ajoutant encore à leur précarité.
Face à cette avalanche de
désastres, ils vont réagir chacun à leur manière. Parfois égoïstement, voire
méchamment, mais parfois aussi en s’entraidant et en jouant la carte de la
solidarité. Si bien que des sentiments vont naître : hostilité, jalousie,
mesquineries, mais également altruisme, amitié, amour. Ces chassés-croisés apportent
une note de profonde humanité à une pièce qui aurait pu ne se vouloir que
farce. C’est sa valeur ajoutée.
La difficulté lorsqu’on
ambitionne de surprendre tout le temps à grand renfort de gags nécessitant des
astuces techniques et une grosse machinerie, c’est qu’il est pratiquement
impossible d’être dans le top pendant une heure et demie. Si les quatre-cinquièmes
de Bigre sont souvent à hurler de
rire, il y a quelques moments qui ne m’ont pas vraiment amusé. Je pense plus
particulièrement à la séquence des jeux vidéos ou à celle du karaoké sur « J’ai
encore rêvé d’elle ». Mis à part ces deux petits bémols personnels, on
peut dire que, à l’instar de tout le public, j’ai applaudi de bon cœur à cette
performance ahurissante pleine de folie, de créativité et aussi… de tendresse.
Car Bigre, c’est aussi une belle histoire d’amitié.
Gilbert « Critikator »
Jouin
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