Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 35 32 31
Métro : Edgar Quinet / Gaîté
Une comédie d’Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène par Steve Suissa
Décors de Stéphanie Jarre
Costumes de Pascale Bordet
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Avec Claire Keim Yvonne Printemps), Martin Lamotte (Sacha
Guitry), Sylvain Katan (Marcel)
L’histoire :
Dans les années folles, pendant 15 ans, le couple légendaire que formaient
Sacha Guitry et Yvonne Printemps régna sans partage sur Paris et le monde
entier.
Faisons un rêve : le rêve d’une pièce que Sacha Guitry
aurait écrite dans sa chair et dont il aurait confié la dramaturgie et les
dialogues à Eric-Emmanuel Schmitt. Voici, sous les mots d’esprit, une histoire
d’amour traversée de bonheurs, de querelles, de tromperies, de jalousie ;
celle de deux amants magnifiques et impossibles, la passion d’un homme de génie
pour un rossignol qui ne supportait pas sa cage…
Mon avis :
Cette pièce qui raconte quinze ans d’une histoire d’amour passionnelle et
tumultueuse repose beaucoup sur ses dialogues. La seule présence de Guitry est
génératrice de savoureux mots d’auteurs. Toute l’habileté d’Eric-Emmanuel
Schmitt est de s’être ingénié à construire son texte autour de phrases qui ont
été dites ou écrites en y mêlant les conversations qui auraient pu se tenir «
à la manière de »… En clair, sur un canevas existant, il a brodé une
histoire très proche de ce qui a dû se passer dans la réalité. Superbe exercice
de style.
Le décor, concocté par Stéphanie Jarre, a de quoi
surprendre. On s’attendait à voir au moins un appartement cossu, or il n’en est
rien. Le rideau s’ouvre en effet sur les coulisses grisounettes d’un théâtre où
Sacha Guitry, pour se mettre à l’abri des huissiers, a installé son petit
bureau de travail. On est tout de suite frappé par ce cadre anonyme et
poussiéreux et le costume à rayures très chic que porte l’auteur, connu pour sa
grande élégance vestimentaire. Les deux autres trouvailles de Stéphanie, sont
la présence d’une mini-scène de spectacle côté jardin, et d’une loge d’artiste
côté cour… Cela nous offre ainsi trois cadres dans lesquels les actions vont se
dérouler en fonction de l’époque où elles ont eu lieu. Du coup la lecture de la
pièce, qui a souvent recours au procédé cinématographique du flash-back, nous
est facilitée…
Autre astuce pour nous aider à suivre le fil de l’histoire,
la présence de Marcel, régisseur du théâtre dans lequel Guitry a trouvé refuge.
Par son truchement, on reconstruit aisément l’historique des amours entre le
Maître et son « Rossignol ».
On ne pouvait rêver meilleur casting que les deux comédiens
qui sont réunis sur scène. Il est stupéfiant de constater combien les mots de
Guitry sonnent bien dans la bouche de Martin Lamotte. L’acteur a su en
restituer le timbre de voix si particulier, les intonations si caractéristiques.
Un ton propice à la causticité… Quant à Claire Keim, elle hérite là d’un rôle à
se mesure. Elle peut enfin exprimer sur une scène tout ce à quoi elle a travaillé
depuis son plus jeune âge (quand je pense que je l’avais découverte en 1992
dans la comédie musicale de Jean-Jacques Debout, Paul et Virginie. Elle avait
alors 17 ans). Elle s’approprie parfaitement le rôle d’Yvonne Printemps. Elle
chante remarquablement, elle joue juste, aussi bien dans l’espièglerie, la légèreté
des amours débutantes que dans la violence des scènes de ménage…
Bref, le duo Lamotte-Keim fonctionne à merveille.
Dans cette histoire, nous les spectateurs, on est un peu
comme des voyeurs. Il faut bien l’avouer, ce qu’on attend le plus, ce sont ces
fameuses scènes de ménage, ces escarmouches riches en échanges assassins. D’autant
que les deux combattants ne sont pas issus du même milieu. Il y a de la lutte
des classes en filigrane. Entre un bel esprit, aristocratique et raffiné, et
une fille des faubourgs quasi inculte, mais à la réplique vive….
On peut s’amuser à résumer The Guitrys en quelques aphorismes détournés : Tel épris qui
croyait prendre, ou bien tel esprit qui croyait prendre. Guitry essaie de jouer
au Sacha et à la souris, mais le muridé a du répondant. En fait, on assiste
plutôt à une version théâtralisée de Titi et Grosminet, c'est-à-dire à Sacha et
le Rossignol. Sauf que, dans la réalité, c’est l’oiseau qui va terrasser le matou
en lui picorant le cœur.
Cette pièce est un plaisir pour les yeux et les oreilles.
Pour les yeux par la beauté des costumes (Claire Keim porte de fort jolies
robes qui soulignent la perfection de sa silhouette), les projections qui font
apparaître ou une salle de théâtre ou un restaurant, ou un personnage (la maman
d’Yvonne, son chauffeur, un serveur…). Pour les oreilles, il y a ces chansons,
pourtant peu évidentes, que Claire interprète vraiment remarquablement, et puis
il y a cette formidable abondance de mots d’auteur.
En revanche, j’ai trouvé que, dans sa première partie, la
pièce prenait une sorte de faux rythme. Ça s’arrange par la suite. Je pense
aussi que la première chanson qu’interprète Claire y gagnerait avec un couplet
de moins.
Hormis ces deux petites remarques, j’ai passé un agréable
moment en compagnie de deux excellents artistes incarnant à merveille deux
personnalités éminentes de notre patrimoine culturel.
Gilbert 'Critikator" Jouin
2 commentaires:
Excellente critique, qui donne envie de voir la pièce en indiquant les points forts, mais aussi les faiblesses ... Bravo à Critikator
Nous avons été séduits par la fraîcheur et l'espièglerie de Claire Keim .Elle est réellement charmante, et de plus, chante bien .
A la sortie, sur le trottoir, elle est restée très simple et souriante .
Comme quoi en plein Automne une Claire fait le Printemps .
Quant à Martin Lamothe, il est égal à lui-même : très bon .
Un seul regret : le texte manque un peu des excellentes répliques dont Guitry avait le secret . Mais il y en a tout de même de savoureuses .
Très bonne soirée .
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