Biographie
Cherche Midi
17 €
Jean-Pierre Mocky n’occupe pas la place qu’il mérite dans le
cinéma français. Si l’on s’attarde un instant sur son impressionnante
filmographie (60 longs métrages, 40 téléfilms), on s’aperçoit que, pendant plus
d’un demi-siècle, il s’est toujours comporté en observateur de la société
française. Il a passé son temps à zoomer sur tous ses dysfonctionnements, sur
ses turpitudes, sur ses aberrations, sur ses manquements, sur ses iniquités, sur
ses hypocrisies… Jean-Pierre Mocky n’a eu de cesse de mettre le doigt, et même
parfois la main ou le bras tout entier, là où ça fait mal. C’est un dénonciateur
chronique. Chacun de ses films aborde une thématique poil-à-gratter. Il a
fustigé entre autres la bigoterie, le terrorisme, la corruption, le fanatisme
sportif, l’abus de pouvoir…
Forcément impolitiquement correct et iconoclaste, il a l’indépendance
viscérale, la rébellion systématique et l’indignation chevillée à l’âme.
Evidemment, il est loin de plaire à tout le monde. D’autant qu’il possède une
grande gueule et qu’il ne se prive pas de dire très haut ce qu’il pense.
Sa biographie, Je vais
encore me faire des amis ! rassemble la quintessence de ce caractère
indomptable, voire insoumis. Ce livre est savoureux car il lui ressemble en tout
point. Jean-Pierre Mocky est sincère et direct, même sa mauvaise foi est
honnête parce qu’elle est assumée. Dans tous ses passages télévisés, la plupart
de ses interlocuteurs se sont complus à stigmatiser ses inimitiés et ses ressentiments.
Or, je trouve qu’il se dégage de cet ouvrage beaucoup plus d’amour et d’amitié
que d’aigreur et de méchanceté.
Jean-Pierre Mocky a écrit ce livre comme il parle. Il ne recherche pas la style, il ne s’embarrasse pas de fioritures. Il va à l’essentiel, droit au but, au plus près de l’os. Sa profession de foi est synthétisée dès la page 20 : « Moi, Jean-Pierre Mocky, étranger au monde de l’espionnage, exempt de tout délit et politiquement indépendant !... Comme Coluche, j’appartiens au cercle très restreint des artistes qui mettent les pieds dans le plat. Ennemi juré de la langue de bois, je n’ai jamais craint d’afficher mes révoltes. Ça me coûte de plus en plus cher, mais la liberté a un prix ! ». Tout est dit.
A une époque où la liberté d’expression se réduit de jour en
jour telle une peau de chagrin, on a besoin de ce genre de bouffée d’oxygène. N’en
déplaise aux zélateurs de tout poil, Jean-Pierre Mocky peut se montrer fier de
sa carrière, de son œuvre, et surtout de ce tempérament exempt de toute
servilité. Acteur, puis réalisateur, sa vie privée comme professionnelle a été
d’une richesse incroyable. Sur le plan de l’amitié, il a été – à juste titre
sans doute – très gâté. Il en fait des belles rencontres ! Très respectueux
de ses aînés, de ses grandes figures tutélaires que sont les pionniers du cinéma
français, il apparaît évident qu’il a moins d’estime pour ses pairs que pour
ses grands pairs.
Mocky aime aussi fort qu’il se fâche. Mais, malgré tout,
entre certaines lignes, on sent poindre un peu de nostalgie et beaucoup de
tendresse. Il doit avoir un cœur qui bat plus vite et plus fort que la moyenne.
D’où l’exacerbation des sentiments. Alors qu’il pourrait se contenter de ces
formidables amitiés qu’il a partagées, il reste et restera toujours un éternel
insatisfait. Il y a encore tant de causes à défendre, da saloperies à dénoncer,
d’acteurs à diriger. Jean-Pierre Mocky fait partie de ces rares personnalités dont
on voudrait que le « Moteur » ne s’arrête jamais de tourner…
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