samedi 13 septembre 2014

Chambre froide

La Pépinière Théâtre
7, rue Louis le Grand
75002 Paris
Tel : 01 42 61 44 16
Métro : Opéra

Une pièce de Michèle Lowe
Mise en scène par Sally Micaleff
Scénographie de Laura Léonard
Lumières de Jean-Philippe Viguié
Costumes d’Ariane Viallet
Avec Pascale Arbillot (Debra), Anne Charrier (Molly), Valérie Karsenti (Nicky), Philippe Carion, Pierre-Alain Leleu, Philippe Peyran Lacroix (les maris)

L’histoire : Le mari de Nicky est accusé de détournement d’argent, le mari de Molly la flique continuellement, le mari de Debra la quitte pour une autre femme plus riche… Quand les trois hommes, par inadvertance, se retrouvent enfermés dans la chambre froide au sous-sol, les trois femmes ont une décision à prendre…
Si vous aviez la possibilité de tuer votre mari, le feriez-vous ?

Mon avis : Voici une pièce jubilatoire à souhait. Acide, amusante, inquiétante, amorale, instructive… C’est une pièce écrite par une femme, mise en scène par une femme avec, en permanence sur la scène, trois femmes qui parlent de leurs problèmes de femmes.
 L’action – et il y en a ! – se déroule en toute logique dans l’endroit dédié aux femmes : la cuisine (je me venge comme je peux). Nicky, vient de servir le repas aux trois maris, installés dans le salon attenant. On n’entend que leurs voix. Ils ont l’air de bien s’amuser ; la plupart du temps au détriment de leurs épouses.
L’avantage, c’est que les trois jeunes femmes peuvent se parler en toute tranquillité. Depuis dix-huit ans, maris et femmes ont formé une bande qui se réunit une fois par semaine. Nicky, Debra et Molly sont donc de très bonnes amies. N’ayant quasiment aucun secret l’une pour l’autre, elles peuvent se dire les choses librement.

Dès le début de la pièce, on sent que la crise couve. Chacune d’elles a un grief à l’encontre de son conjoint. Mais la profondeur de leur ressentiment n’en est pas au même niveau. Nicky, très remontée contre son escroc de mari, souhaite ouvertement le voir disparaître de son univers. Sa détermination et ses arguments imparables tendent à fédérer ses deux copines. Si Molly adhère assez rapidement, Debra fait de la résistance. Pour le spectateur, c’est un régal que de suivre l’évolution mentale de nos trois héroïnes.
Chambre froide est un vrai suspense. Il est divisé assez nettement en deux parties. Dans la première, tant que les maris se trouvent dans le salon, Nicky joue au procureur, Debra à l’avocate de la défense, et Molly à la partie civile… Mais lorsque les trois hommes se retrouvent bêtement prisonniers de la fameuse chambre froide, le rythme s’accélère brutalement, les cris s’intensifient, la tension approche de son point culminant.
Et nous, dans la salle, on se demande bien comment tout cela va se terminer… Happy end, ou pas happy end ?... Vous le saurez en vous rendant à la Pépinière Théâtre.


Chambre froide, c’est trois superbes portraits de femmes. Machos indécrottables, s’abstenir… L’auteure s’est attachée à brosser trois caractères très différents, très affirmés. Pour des comédiennes, ce doit être un grand bonheur que de s’approprier des personnages aussi forts.
Nicky (Valérie Karsenti), c’est la femme forte, la femme de tête au caractère bien trempé. Dotée d’un cynisme que l’on pourrait qualifier de « masculin », son dégoût de son mari l’a totalement radicalisée… Molly (Anne Charrier), est à la fois candide et maligne. Elle a gardé une espèce d’insouciance juvénile qui l’amène à positiver et la pousse à la tolérance. C’est une bonne vivante qui mène tranquillement son petit « bonne-femme » de chemin… Debra (Pascale Arbillot), c’est l’opposé de Nicky. Psychorigide, elle veut se convaincre d’être encore amoureuse, elle ne supporte aucune compromission.

Leur opposition, à une contre une, à deux contre une, est absolument passionnante. Elles vont nous tenir ainsi en haleine jusqu’à la fin.
Pascale Arbillot, Anne Charrier et Valérie Karsenti s’en donnent à corps et à cœur joie. Elles ne s’économisent pas une seconde. Elles sont à fond dans leur personnage. Elles nous offrent un grand moment de comédie.
Au-delà de la simple comédie, quelques messages sont savamment disséminés tout au long de la pièce et peuvent donner à réfléchir sur la condition de la femme. Les thèmes essentiels de la vie de couple y sont abordés. Et on ne peut pas dire que les hommes y ont le beau rôle. Ceratis, mauvais joueurs, vont sans doute trouver les propos de Michèle Lowe, l’auteure, trop manichéens. C’est vrai, ici, les femmes sont les gentilles et les hommes sont les méchants.
Mais est-ce éloigné tant que ça de la vie réelle ? C’est à chacun d’apprécier, voire de se remettre en cause…

Gilbert "Critikator" Jouin


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