Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75011 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République
Ecrit par Georges Wolinski, Claude Confortès, Philippe Ogouz
et Georges Beller
Mise en scène de Claude Confortès
Avec la collaboration d’Anne Bourgeois
Chansons d’Evariste
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Avec Georges Beller, Philippe Ogouz, Séverine Ferrer,
Hadrien Berthaut, Guillaume Edé et Fabien Martin (chant)
Présentation :
Le théâtre Déjazet présente la pièce Je
ne veux pas mourir idiot de Georges Wolinski et Claude Confortes, avec le
concours des principaux protagonistes de sa création en 1968.
Comme dans ce titre prémonitoire, Wolinski ne disait-il
pas : « Après les années 70, plus rien de sera pareil « ?
1968… Quarante-sept ans plus tard, cette pièce est toujours
un symbole de liberté d’expression et du refus de la perdre…
Elle met en scène d’un côté une étudiante, un jeune ouvrier
et un guitariste qui veulent faire la révolution, et de l’autre les partisans
de l’ordre qui ordonnent les coups de matraque.
Mon avis : Sortie
en octobre 1968, la BD de Georges Wolinski, Je
ne veux pas mourir idiot, a été adaptée au théâtre deux mois plus tard. C’est
dire si on était réactif en ce temps-là !
Après avoir vu cette pièce hier soir, soit 47 ans plus tard,
je me suis dit qu’il n’avait pas été inutile de la ressortir. D’abord pour
rendre hommage à son créateur, Georges Wolinski, dont je n’arrive pas à me
faire à l’idée de sa disparition aussi insupportable le 7 janvier dernier. Des
gens comme lui ne seront jamais morts car ils laissent une œuvre qui nous les
rend toujours proches.
Ensuite, je dois avouer que je me suis délecté à entendre moult
sentences et autres aphorismes qui n’ont pas pris une ride et qui possèdent
encore une résonnance aujourd’hui. N’entend-on pas en ouverture de la pièce le
Général de Gaulle évoquer la crise qui menace en présentant ses vœux de
nouvelle année 1968 ? C’est troublant. D’autant qu’entre les vœux du
Président et la sortie de la BD de Wolinski, ont eu lieu les fameux « évènements »
de mai 68, évènements qui servent bien sûr de toile de fond à l’ouvrage.
Photo : Baumann/Sipa |
Autre attrait de cette reprise, c’est la présence sur scène
de deux comédiens qui avaient participé à sa création à l’époque, Philippe
Ogouz et Georges Beller, lesquels ont également joué l’année suivante dans une
autre adaptation de Wolinski, Je ne pense
qu’à ça. C’est dire si ces deux là sont on ne peut plus légitimes… Leur
présence permet ainsi je jouer de façon bien plus crédible au conflit des
générations opposés qu’ils sont à deux spécimens de ceux qui se trouvaient dans
la rue en mai 68, les ouvriers, symbolisés ici par Hadrien Berthaut, et les
étudiants, représentés ici par Séverine Ferrer. Ajoutez-y un indispensable CRS
répressif (pléonasme) et, pour faire un copié-collé avec l’original, un chanteur
qui reprend les chansons créées à l’époque par Evariste.
Le casting est irréprochable. Georges Beller en tête. Le
personnage qu’il campe, un journaliste dandy et totalement à côté de la plaque,
est savoureux à souhait. Faux-cul, minable, sentencieux, velléitaire, cauteleux…
Il est par-fait. Ses tirades avec « Si j’étais riche… » en leitmotiv et
sa façon de les exprimer, sont un délice de gourmet… Philippe Ogouz personnifie
l’ordre, le consensus et la raison. Il compose le réac type. Il est frileux, il
craint de perdre ses avantages acquis, il se méfie des jeunes. Il est
impeccable.
Photo : Delalande Raymond/Sipa |
Chez les jeunes, Séverine Ferrer confirme encore son talent
de comédienne tout terrain. Débordante de fraîcheur et d’une sensualité plus
naturelle que recherchée, elle est tout à fait à sa place dans ce personnage d’étudiante
pimpante, naïve et exaltée. Son esprit de rébellion, spontané et insouciant,
colle complètement à celui des filles de cette époque qui découvraient la
liberté. C’est une sorte d’Esmeralda estampillé seventies qui attise aussi bien
la libido des jeunes Phoebus que celle des Frollo sur le retour… Hadrien
Berthaut campe avec fougue et idéalisme un ouvrier qui a faim de tout : de
liberté, d’égalité, de sexe. Il veut croquer la vie à pleine dents.
Guillaume Edé est un CRS à peine caricatural. Il est
tellement eux ordres et ancré dans sa soumission à l’autorité – donc sans
jugement personnel – qu’on en viendrait presque à excuser son comportement.
Quant à Fabien Martin, avec sa bouille de Pierrot
sympathique, il lui échoit finalement la tâche la plus délicate car, hormis la
chanson-titre Je ne veux pas mourir idiot,
sa partie est celle (la seule) qui a mal vieilli. La poésie décalée d’Evariste n’est
plus au goût du jour et elle nous paraît bien mièvre en regard du bouleversement
social qu’allait déclencher mai 68.
Enfin, le texte de la pièce est saupoudré de phrases qui
fleurent bon l’anthologie, voire le culte, du genre : « J’ai gagné ma
vie grâce à mes concessions », ou « Si la jeunesse d’aujourd’hui
pouvait avoir notre esprit d’avant-guerre… » et « Pas besoin d’avoir
fait des études pour apprendre à réfléchir »… Et il y en a des dizaines d’autres,
particulièrement dans la bouche du personnage que joue Georges Beller.
Bref, il n’y aurait pas, omniprésente dans nos esprits, la
tragédie de Charlie Hebdo, notre plaisir à (re)découvrir cette pièce serait
total. C’est une excellente et noble initiative que de l’avoir reprise.
Gilbert « Critikator » Jouin
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