Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Tel : 01 48 74 76 99
Métro : Saint-Georges
Une pièce de Bill C. Davis
Adaptation française de Dominique Hollier
Mise en scène par Anne Bourgeois
Décor de Sophie Jacob
Lumières de Jean-Luc Chanonat
Costumes de Brigitte Faur-Perdigou
Avec Julien Aluguette (Brian), Bruno Madinier (Le Père
Raymond), Davy Sardou (Tom), Julie Debazac (Irène)
Présentation :
Brian et Tom veulent vivre leur amour au sein de leur église, mais ils se heurtent
au refus du Père Raymond. Quand Irène, la sœur de Brian, cherche à le
convaincre, le prêtre se trouve à son tour confronté à un choix qui bouleverse
ses convictions. Quatre vies, quatre dilemmes : amour, conscience,
sexualité, foi… En sortiront-ils tous indemnes ?
Mon avis : Le
titre original de cette pièce est « Avow », ce qui signifie « se
déclarer, avouer, admettre »… Il est, à mon avis, en dépit de sa
concision, plus explicite que le titre français. En effet, il suffit de prendre
ces trois termes dans leur ordre pour en résumer la mécanique. Elle commence en
effet par une déclaration immédiatement suivie d’un aveu de la part de Brian et
Tom, charge ensuite au Père Raymond d’admettre… ou pas.
Une fois de plus, Bill C. Davis nous propose une pièce dans
la lignée de L’Affrontement puisqu’il
y est question du traitement de la Foi et de l’application d’un dogme mais,
cette fois-ci, face à la force de l’Amour. Le talent de cet auteur c’est de
savoir nous happer, nous captiver et nous faire réfléchir autour d’un problème
de conscience universel traité à travers le prisme de la religion catholique,
un problème sérieux et grave, comme ici le mariage entre homosexuels, tout en
nous faisant beaucoup rire. Il y a en effet énormément de virtuosité dans son
écriture et dans ce qui en découle, le jeu des acteurs. Bill C. Davis pratique
habilement l’art de la rupture. Il met les choses à plat. Les arguments avancés
par le Père Raymond sont irréfutables. Pas un seul instant, son honnêteté de
peut être suspectée. Puis, insidieusement, il introduit dans le fruit compact
qu’est le dogme le ver des sentiments. Ce ver va-t-il être assez vorace pour altérer
l’intangibilité du Sacré ?
Les Vœux du cœur
mettent en présence quatre personnages dont, grâce au talent de dialoguiste de
Bill C. Davis, on saisit très vite la psychologie. Brian et Irène, en bons
frère et sœur qu’ils sont, possèdent un caractère semblable. Ils sont tous deux
entiers, provocateurs et francs. Face à un Brian exalté, passionné, impulsif et
radical, Tom est beaucoup plus posé et mesuré. Il est habité par le doute et se
laisse d’autant plus ronger par lui que le Père Raymond l’a avivé avec certains
de ses propos. Mal dans sa peau, ne sachant où est sa place, il ne cesse de se
poser des questions pour essayer de trouver SA vérité.
Au début de la pièce, le Père Raymond n’a pas de problème.
Il se contente d’appliquer la position édictée par le Vatican. Pour lui, c’est
tout simple. Jusqu’à ce qu’il rencontre la sœur de Brian. Ses convictions, sa
belle sérénité, vont soudain être mises à mal et vaciller…
Vous l’aurez compris, cette pièce peut se résumer à
« tempête sous quatre crânes » et « tumultes dans quatre
cœurs ». Les quatre protagonistes de cette dramatique sont traités à part
égale. D’où quatre rôles très forts magistralement interprétés par quatre
comédiens absolument épatants.
Honneur aux dames, Julie Debazac tient là un rôle en or.
Elle, elle n’a pas de problème avec la religion puisqu’elle ne croit plus
depuis belle lurette. Des pêchés, elle peut en confesser une ribambelle, et non
des moindres. Elle est cash, irrévérencieuse, pratique un langage peu châtié et
haut en couleurs. Ses saillies sont aussi redoutables que croustillantes. Son
franc-parler agit comme autant de coups de boutoirs dans le pont-levis de la
forteresse que le Père Raymond tente d’interposer entre elle et lui. On attend
chacune de leurs confrontations avec un plaisir gourmand tant on sait combien
elles vont être ravageuses.
Bruno Madinier hérite lui aussi d’un rôle complexe car il
est évolutif. C’est un rôle qu’il faut restituer avec beaucoup de finesse.
Après s’être cantonné dans une attitude à la Ponce Pilate (« Il y a
quelque chose d’humble et héroïque à obéir »), il va bien falloir qu’il
prenne des décisions qui soient en harmonie avec sa foi et avec sa conscience.
Pas facile quand le péché a la silhouette, le piquant, la sincérité et le
pouvoir de séduction d’Irène…
Julien Aluguette, que j’avais découvert dans Equus et qui m’avait alors déjà fait
forte impression, possède une énergie, une fougue et une authenticité qui
forcent l’admiration. Son personnage ne prend pas les chemins de traverses. Lui,
il est sur une autoroute et il fonce. Il ne comprend pas ces clampins qui
hésitent et qui musardent. Comme sa sœur, il est cash. Dans ses sentiments
comme dans ses mots. Et, toujours comme elle, il dégage sans en jouer énormément
de charme et de sensualité.
Enfin, Davy Sardou confirme de pièce en pièce qu’il peut
tout jouer. Il aborde cette fois un nouveau registre, beaucoup plus basé sur la
sensibilité, la raison, le questionnement. Ce qui ne l’empêche pas de lâcher ça
et là quelques réflexions ou observations particulièrement senties et souvent
très drôles. C’est lui qui a le rôle le plus délicat. Ses doutes, qu’il exprime
avec limpidité, nous le rendent encore plus attachant. Avec la richesse de sa
palette de jeu, il fait partie désormais des comédiens qui comptent dans notre
théâtre hexagonal.
En conclusion, Les Vœux
du cœur est une pièce avant tout intelligente. Elle aborde un thème moderne
en en étudiant tous les angles. Il y a du suspense, de l’émotion, de la tension
et beaucoup, beaucoup d’humour. C’est une pièce qui parle de l’Amour sous
toutes ses formes, une pièce forte qui ne juge pas. Je formule donc le vœu –
forcément pieux – qu’elle rencontre le succès qu’elle mérite.
Mais si les voies du Seigneur sont impénétrables, celles qui
mènent au théâtre La Bruyère sont, elles, ouvertes et parfaitement praticables.
Alors, empruntez-les !
Gilbert « Critikator » Jouin
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