19, boulevard Saint-Martin
75003 Paris
Tel : 01 42 71 50 00
Métro : République
One man show écrit et interprété par Jean-François Dérec
Mis en scène par Roger Louret
Le pitch :
Si, comme Dérec,
-
Tu n’utilises que 10% de ton cerveau
-
Si tu as 3000 amis sur Facebook, mais que tu
passes tes week-ends tout seul comme un con
-
Si tu essaie toujours de jouer du Bob Marley à
la guitare, alors que ton fils milite à la droite libérale
-
Si toi aussi tu préférerais être riche dans un
pays pauvre que pauvre dans un pays riche
-
Si tu es une femme et que tu te demandes
pourquoi les mecs bien sont toujours pris
-
Et si, comme Dérec, tu t’es fait avoir en
achetant une machine à pain
CE SPECTACLE EST POUR TOI !
Mon avis :
Alors que, depuis quelques années, on nous balance du stand-up à tout-va et à
tous vents, qu’est-ce que ça fait du bien de retrouver un bon spectacle à
sketchs ! Lorsqu’un artiste pratiquant le stand-up a terminé son show, il
ne nous reste que des impressions fugaces et quelques fulgurances textuelles. On
sait qu’on a passé un bon moment ; ou pas. Mais au final on n’en retient
pas grand-chose. Alors que lorsqu’un humoriste interprète une dizaine de sketchs
on en retient toujours quelques chose car on a rencontré des personnages.
Or donc, Jean-François Dérec, alias Gérard Bouchard, est de
retour. Et il en a des choses à nous raconter. Pour cela, il a choisi de jouer
la proximité et l’intimité en se produisant la jolie petite salle du BO
Saint-Martin (66 places, sièges confortables)… C’est bon de retrouver ce visage
unique, taillé à coups de serpe, surmonté de son sempiternel bob rouge. Il nous
offre d’abord une sorte de prologue, manière habile d’amener tout ce qui va
suivre, c’est-à-dire une douzaine de sketchs dont onze sont totalement inédits.
Dès le premier, il ré-endosse son t-shirt de loser
sympathique qui se livre à des analyses maladroites des nombreux aléas de son
existence. Sa femme vient de le larguer suite à trop de communication. D’habitude,
c’est le manque de dialogue qui plombe le climat d’un couple. Là, non. On se
dit les choses chez les Bouchard. Mais Gérard est bien trop naïf et désarmé
pour savoir se confronter à la logique féminine… Dérec n’a pas son pareil pour mettre
la loupe sur ce que la vie peut nous proposer de plus absurde.
En toute franchise, j’ai jugé ce sketch comme une sorte de
tour de chauffe. Il y a certes déjà le ton Dérec, mais je l’ai trouvé en
demi-teinte… Heureusement, dès le deuxième, il change de régime et trouve sa
vitesse de croisière. Et tout ce qui suit est véritablement excellent.
Ce deuxième sketch, justement, est peut-être le meilleur. Devenu
célibataire, Gérard noue une relation amoureuse avec une véritable intégriste
de l’écologie. Ce qui provoque des situations irrésistibles de drôlerie et d’incompréhension.
Mais quand on veut séduire, on n’est pas trop regardant sur les concessions.
Dérec dresse malicieusement une satire de ce nouveau mode de vie qui repose sur
l’obsession de la protection de la nature, de l’économie d’énergie et du
recyclage à tout crin. Le cœur et la raison sans cesse en équilibre instable, il
nous propose un grand moment de funambulisme.
Et, pour notre plus grande joie, la suite va être du même
tonneau… Interdit de vous en dévoiler le contenu par le menu pour ne pas gâcher
le plaisir de la découverte. Chaque sketch est pratiquement relié au précédent
par une subtile passerelle. Au passage, il faut souligner la qualité des
chutes. Les chutes sont ce qu’il y a de plus difficile à trouver dans cette
discipline du sketch.
Gérard Bouchard va donc vivre de multiples aventures ou
expériences. Il va être ainsi amené à accomplir une expédition en banlieue et y
découvrir un monde dont il ignore tout des pratiques et des codes… Puis il va
connaître des soucis avec sa banque… Comme il se retrouve systématiquement à
découvert, il va rechercher un emploi rémunérateur. Pour cela, il souscrit d’abord
à une simulation d’entretien d’embauche, ce qui débouche sur un apprentissage
absolument hilarant… Après les travaux pratiques, fort de ce qu’il vient d’apprendre,
il passe à l’entretien lui-même, et notre amusement monte encore d’un cran…
Suite à des fuites malencontreuses sur Facebook, il est amené à consulter un
médecin. Mais comme il est dramatiquement hypocondriaque, il en sait plus que
le praticien !... Volte-face à 360°, il devient à son tour médecin… A la
suite de quoi, Gérard Bouchard reçoit les confidences d’un vieil ami qui fait
son coming out. Il s’en suit une conversation truffée de maladresses et de
réflexions savoureuses… Et il termine en campant un mec un peu mytho vivant une
passion qui dégénère…
En guise de rappel, il nous offre son tube, le fameux Téléphone rose, toujours aussi trépidant ;
et enfin, il nous fait le cadeau d’un sketch tout nouveau tout chaud sur les
méfaits de l’écriture automatique avec les portables…
Car le téléphone portable tient un rôle essentiel dans son
spectacle. Gérard Bouchard est un homme de son temps, entièrement dépendant de
son smartphone. Il est inscrit sur Facebook, il envoie des textos, consulte
sans cesse sa messagerie…
Je me suis vraiment beaucoup amusé devant les tribulations
de Gérard Bouchard. Non seulement, avec son visage mobile et sa gestuelle
cartoonesque, Dérec est un formidable comédien, mais il se double également d’un
remarquable auteur. Ses sketchs sont particulièrement ciselés, peaufinés. Cela induit
un sacré travail d’écriture en amont. J’en ronronnais parfois de plaisir devant
certaines de ses formulations. C’est réellement un très bon one man show qu’il
nous livre là.
Ainsi qu’il nous le déclare en préambule, il est là pour
nous faire oublier nos soucis l’espace d’une heure et quart. Mais à la
condition qu’on les récupère à la fin et qu’on reparte avec. Il a assez des siens
pour ne pas s’encombrer de nôtres…