Mystic Rumba / Polydor / Universal Music
Arthur H continue son petit bonhomme de chanteur en tentant
d’introduire dans chaque album quelque chose de différent. C’est une sorte
d’explorateur ; il aime découvrir des univers, des sons, des climats. Il
lui serait pourtant facile, avec son timbre de voix si personnel et son piano,
de se cantonner dans une même ambiance musicale, et ce serait incontestablement
toujours aussi agréable à écouter. Seulement voilà, détestant la routine, il
aime se surprendre et donc nous surprendre.
Dans Soleil dedans,
son onzième album en près de vingt-cinq ans, il revient un peu à son principal
fonds de commerce, avec une vitrine de facture classique, mais avec quelques
articles nouveaux, comme des bruitages et, le plus inattendu, son utilisation
de la voix de tête. Et c’est particulièrement réussi… A l’image de son titre,
cet album est plutôt lumineux, mais il n’oublie toutefois pas d’aller faire un
petit tour parfois « On the dark side of the moon ». D’ailleurs deux
titres font directement allusion à cet astre (L’autre côté de la lune et L’aéroport
de Los Angeles). La chanson la plus explicite de ce « côté sombre »
est La Ballade des clandestins. Sur un rythme léger, Arthur H aborde ce fait de
société empreint de gravité, en lui imposant un aspect dynamique. Il s’oppose
au renoncement ; il faut « regarder devant », « marcher
droit » et « glisser vers la lumière » et, quitte à échouer,
autant « mourir debout ».
Cette Ballade est ma chanson préférée de cet album car elle
traite d’un drame humain avec un mélange de réalisme et de poésie. Et les
choses sont dites.
Autre chanson sociétale, celle que je classe en deuxième
dans mon ordre affectif, La Caissière du
Super… Là aussi, sur un ton badin, il évoque le quotidien d’une caissière
de supermarché. Bruits de caisse enregistreuse, rythmique lancinante et
orchestration primesautière, le climat ne souligne volontairement pas la pénibilité
physique et morale de ce job. Il constate tout simplement en disant pour quoi
et pour qui « elle bosse » : pour son boss et pour la banque,
pour son gosse et pour bouffer. On ne peut pas être plus précis. Et l’interprétation,
très ludique, voire détachée, nous fait encore plus prendre conscience de la lourdeur
de ce métier. C’est très habile.
Après ces deux chansons qui interpellent, je place deux
titres que je ne peux dissocier, La femme
étoile et Les Papous, c’est nous.
Elles ne traitent bien sûr pas du même sujet, mais elles partent du même parti
pris musical. La première repose sur une rythmique hésitant entre le reggae et
le ska. Et la seconde, vrai petit film d’aventures, est une chanson gag,
sautillante et jubilatoire. Résultat les deux se confondent dans une joyeuseté
totale en forme de récréation.
Ensuite, j’ai beaucoup aimé Une femme qui pleure. Cette très belle chanson d’amour, traitée en
piano-voix (sauf le pont qui est brièvement symphonique), est envoûtante. C’est
plein de déférence, de dévotion et de désir à peine contenu. Sur cette délicate
ambiance bluesy, Arthur ose passer en voix de tête.
Je terminerai par L’autre
côté de la lune, la chanson qui introduit l’album. La mélodie est efficace,
entraînante, dominée par un piano complice. C’est dans ce titre qu’il s’amuse à
dire la seule phrase en anglais (allusion référentielle aux Pink Floyd) avec la
voix haut perchée. C’est une belle trouvaille.
Et enfin, j’ai pris beaucoup de plaisir à m’embarquer avec
son Navigateur solitaire. Il y alterne
systématiquement sa voix grave naturelle avec un timbre plus léger. C’est un
très beau texte, intelligent, qui parle d’universalité. C’est une métaphore :
la vie est une course en solitaire. On peut voyager sans bouger et savoir se
contenter de son propre décor tout en laissant vagabonder son imaginaire… L’essentiel
étant de se laisser emporter par la vie, une vie où la place de la femme est,
pour lui, visiblement prépondérante.
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