samedi 4 octobre 2014

Schoumsky au parloir

L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 48 00 04 05
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Seul en scène écrit et interprété par Antoine Schoumsky
Mis en scène par Thomas Coste

Présentation : Qui n’a jamais rêvé d’avoir son heure de gloire ? Schoumsky était prêt à tout pour être une rock-star, mais un événement inattendu va tout bouleverser…
C’est donc en prison qu’une nouvelle chance de briller s’offre à lui. Il voulait chanter, mais le plan a changé… Premier détenu à tenter de se réinsérer grâce à l’Humour, Schoumsky doit désormais faire rire grâce au programme « Youpi Cellule ! »…
Vous seuls déciderez de son sort.

Mon avis : Antoine Schoumsky s’est créé un personnage ; un personnage qui peut lui-même se démultiplier en plusieurs autres. Ce garçon entretient maladivement sa schizophrénie chronique comme d’autres prennent soin de leur chère voiture…
Lorsque nous pénétrons dans la Salle Bleue de l’Archipel, il est déjà installé sur la scène. Il est dans ses pensées, il est agité, le regard fixe… Il est déjà inquiétant. Et puis, soudain, il découvre notre présence. Alors, il nous explique les raisons de la sienne. Il est là pour essayer de nous faire rire dans le cadre d’un programme de réinsertion. Le problème, c’est que son humour à lui est très particulier. Il est en prison, son univers n’est donc pas des plus policés qui soient. Entre deux tentatives de vannes plus ou moins réussies, il nous raconte sa vie, oscillant entre les aphorismes trash et les épisodes les plus marquants de sa détention.

C’est dans ces passages-là qu’il crée toute une galerie de personnages aussi tourmentés qu’angoissants. A commencer par Emile, un de ses premiers compagnons de cellule, un épouvantable psychopathe affublé d’un épais cheveu sur la langue. Ce mec nous fout la trouille. On prend tout de suite ce pauvre Schoumsky en pitié car on se dit que son baptême ne va pas être vraiment idyllique…
Très vite, outre le réalisme cru de sa galerie de personnages, on apprécie le langage de Schoumsky. Ses textes sont fort bien troussés, on sent qu’il y a un vrai bagage culturel derrière tout cela.


Ce spectacle est volontairement conçu comme des montagnes russes. Les accalmies passagères alternent avec les compositions démentes. Schoumsky appartient incontestablement à la race de ceux que les cellules grisent. Il est vrai que la prison est un est un monde dans lequel on peut trouver tous les profils possibles d’individus. Et l’Antoine s’en donne à cœur joie. Comme il adore choquer, avec lui on sait qu’on va avoir droit à du taulard et à du cochon.
En comédien émérite, il campe, avec accents et tics de comportements à l’appui, une brochette de loustics bien barrés. Même quand ils ont la chance de ne pas être derrière les barreaux comme le fameux Gilbert, un psy alcoolique et scato dont la voix grasseyante fait penser à Columbo. Lui, il est particulièrement gratiné. Son débat sur la pornographie face à trois détenus pervers sexuels est un des grands moments du spectacle.
Autre grand moment – complètement inattendu celui-là parce que hors contexte – est le dialogue entre un chat drogué et un chien alcoolisé en présence d’un maître totalement dépassé. C’est un petit bijou de comédie qui nous fait envisager autrement notre relation avec nos petits compagnons à poils.

Schoumsky est un « engeôleur », mais au-delà de l’aspect résolument comique de son spectacle, il réussit à faire passer un message fort sur les conditions de vie en prison et sur les vicissitudes de la réclusion dont les plus traumatisantes sont l’isolement et/ou la promiscuité.


Schoumsky au parloir est un seul en scène fort remarquablement interprété par un artiste total dont l’aptitude à camper des personnages un tantinet détraqués est réellement jouissive. Il possède en effet un éventail extrêmement large. Non seulement il est très percutant et inventif u niveau du jeu, mais sa performance est également athlétique (voir sa « double » tentative d’évasion).
Enfin, pour être tout à fait honnête, même s’il va assez loin dans la provocation et la trivialité, j’aurais aimé qu’il repousse encore un peu plus les limites du politiquement incorrect. Il en est capable, il a tout pour lui, il a un créneau à prendre. Il excelle dans l’humour noir, mais comme le disait Coluche à propos du « blanc », Schoumsky est tout à fait capable de pratiquer un humour plus noir que noir. En tout cas, c’est vraiment un garçon à suivre.


Gilbert « Critikator » Jouin

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