Théâtre Fontaine
10, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel :
01 48 74 74 40
Métro :
Blanche / Pigalle / Saint-Georges
Une comédie écrite et mise en scène par Laurent Baffie
Décors de Juliette Azzopardi
Costumes de Pauline Gallot
Lumières de Thierry Alexandre
Avec Laurent Baffie (Philippe Maurice), Caroline Anglade
(Léa, la neurologue), Jean-Noël Brouté (Maxence, le psy), Karine Dubernet
(Ruth, la chiropractrice), Pascal Sellem (Jean-Phil, le chirurgien plasticien),
Carine Ribert (Fleur, la pédiatre), Daravirak Bun (Chi, l’acupuncteur)
Note d’intention :
« Je m’appelle Philippe Maurice. Je suis buraliste et, depuis 24 heures,
je n’ai plus de filtre. Pas dans ma boutique, non, dans ma tête. Pour une
raison inconnue, je dis directement tout ce que je pense à tout le monde, et ce
dans un langage plus que fleuri. Beaucoup de gens rêveraient de pouvoir se
lâcher totalement et de balancer toutes les horreurs qui leur traversent
l’esprit, sauf moi pour qui la vie est devenue un enfer. Même acheter du pain
devient très compliqué, la preuve :
-
Moi : Un bâtard.
-
Le boulanger : Tiens, vous ne prenez pas de
croissants ce matin, Monsieur Maurice ?
-
Moi : Non, à ce prix-là, tu peux te les
foutre au cul connard !
Heureusement, une équipe de médecins très soudés va se
pencher sur mon cas pour essayer de résoudre mon problème. Et là, c’est le
drame…
Mon avis :
Pour sa cinquième pièce, ce « sale gosse » de Laurent Baffie s’est
ingénié à pousser encore un peu plus loin les limites de son fonds de commerce,
à savoir l’irrévérence. A l’instar de son ami Jean-Marie Bigard qui se proclame
chantre de la vulgarité, lui il revendique sa spécificité, la grossièreté.
Il faut dire qu’avec le postulat de départ de sa pièce – un
homme qui ne peut s’empêcher de dire frontalement à ses interlocuteurs ce qu’il
pense – il s’est ouvert en tout grand le champ des possibles.
En clair, dans Sans
filtre, Laurent Baffie met vraiment le paquet ; il ne mégotte pas. Il
ne s’est pas pris le cigare et, aussi culotté qu’une pipe, il a bourré son
texte d’un florilège des expressions les plus gauloises. Pour ça, il y a du
taf… Il réussit la performance de nous tenir en (mauvaise) haleine avec une
histoire on ne peut plus fumeuse que tout le monde, certes, ne peut pas priser.
Il fallait l’inventer cette maladie cousine du syndrome Gilles de La Tourette !
Pour adhérer à cette pièce, il faut vraiment être un
« baffiephile » inconditionnel. Même si elle a du fond, la forme a
tout pour rebuter les oreilles les plus chastes. Laurent Baffie est un grosmots-sapiens.
J’aurais dû me munir d’un boulier pour les recenser toutes les grivoiseries qu’il
profère dans ce grand jeu de triviale poursuite. Or, comme c’est le thème de sa
pièce, il est impossible de lui en tenir malgré tout rigueur. D’ailleurs, à
part certainement Jean-Marie Bigard, aucun comédien autre que lui-même n’eût
été crédible dans ce rôle. On le connaît, on prévoit ce qu’on va entendre, il
est donc inutile de pousser ensuite des cris d’orfraie parce que ses petites trompes
d’Eustache ont été verbalement violentées pendant près d’une heure et demie. La
pièce est annoncée « sans filtre », il n’y a pas tromperie sur la
marchandise. On est averti.
Pourtant, Sans filtre
n’est pas qu’une litanie de gros mots et de situations olé olé. Comme à son
habitude, Laurent Baffie stigmatise hardiment le monde de la médecine avec ses
abus dans tous les domaines. Il brocarde ces praticiens imbus d’eux-mêmes, leur
suffisance de gens qui « savent » et leur vocabulaire abscons. Il n’oublie
pas bien sûr de s’attarder sur les nombreuses coucheries interprofessionnelles…
Bref, malin comme un bonobo, il pousse au plus loin la satire du milieu médical
et ses dysfonctionnements. Et il n’est pas tant que ça pourrait paraître dans
la caricature… En conclusion, dans Sans
filtre, il n’y a pas que des grossièretés, il y a aussi du sang et des
larmes ; et du rire, du rire, beaucoup de rire.
Pour ce qu’il annonce comme son ultime prestation au
théâtre, Laurent Baffie a encore eu le talent de savoir s’entourer avec une
bande de joyeux déjantés qui vont, sans retenue aucune, au bout de leur
personnage.
Jean-Noël Brouté campe un psy irrésistible, avec un
accoutrement ridicule. Lui, s’il a prêté un serment, c’est celui d’hypocrite.
Il n’est franc que lorsqu’il revendique exercer sa profession pour le fric.
Caroline Anglade, sensuelle et court vêtue, personnalise
tous les mâles fantasmes vis-à-vis du corps médical féminin.
Pascal Sellem est la caricature du médecin séfarade. Accent
appuyé, collier, gourmette et imposante montre en or, dragueur invétéré, (in)fidèle
pratiquant de la mauvaise foi, petit plaisantin… il est parfait.
Une fois de plus, Karine Dubernet nous sort une composition
de derrière les fagots. Cette brune qui ne compte pas pour des prudes, crée une
chiropractrice brute de décoffrage, haute en couleurs, particulièrement cash et
avec, comme toujours, en filigrane une certaine pointe de sensibilité qui la
rend touchante. Dès son entrée en scène, la température de la pièce monte de
quelques degrés.
Carine Ribert s’approprie sans retenue et sans pudeur aucune
le rôle d’une pédiatre un tantinet fofolle, puérile, complètement barrée. Elle
nous propose une composition réellement désopilante.
Enfin, Daravirak Bun, qui n’a qu’un petit rôle, mais
essentiel, le fait avec une folie totalement « débridée ». Je pense
néanmoins qu’il gagnerait en justesse en tempérant un peu sa tonitruante
gestuelle (surtout juste avant de prodiguer ses premiers soins).
Un petit mot s’impose aussi pour louer le décor. Le bureau
du psy dans lequel la pièce se déroule est conçu avec beaucoup de goût et d’ingéniosité.
Pour conclure en restant dans le même (mauvais) esprit :
Sans filtre possède tous les
ingrédients pour faire un tabac…
Gilbert « Critikator » Jouin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire