Théâtre Mogador
25, rue de Mogador
75009 Paris
Tel : 01 53 33 45 30
Métro : Havre-Caumartin / Chaussée d’Antin / Trinité /
Auber
Livret et paroles de Michael Kunze
Musique de Jim Steinman
Mise en scène de Roman Polanski
Chorégraphies de Dennis Callahan
Scénographie de William Dudley
Costumes créés par Sue Blane
Lumières créées par Hugh Vanstone
Adaptations des chansons de Nicolas Nebot
Avec David Alexis (le Professeur Abronsius), Daniele Carta
Mantiglia (Alfred), Rafaëlle Cohen (Sarah), Solange Milhaud (Rebecca Chagal),
Pierre Samuel (Yoine Chagal), Stéphane Métro (le comte Von Krolock), Sinan
Bertrand (Herbert Von Krolock), Moniek Boersma (Magda), Guillaume Geoffroy
(Koukol)…
L’histoire :
Le Professeur Abronsius, un excentrique scientifique de l’université de
Königsberg, n’a qu’une obsession : prouver au monde l’existence des
vampires.
Accompagné par son fidèle assistant, le jeune Alfred, et
avec pour seule arme son indéfectible foi en la logique et la science, il se
lance dans cette quête un peu folle à travers les contrées sauvages de la
Transylvanie.
Une tempête de neige va pousser nos deux héros à faire
escale dans l’auberge de Yoine et Rebecca Chagal. Là, des indices tels que des
guirlandes de gousses d’ail placées en abondance un peu partout dans la maison
vont faire comprendre au Professeur qu’il est sur la bonne voie. Alfred, quant
à lui, va tomber immédiatement sous le charme de la jeune Sarah, la fille des
Chagal.
Le comte Von Krolock, vampire sombre et charismatique
habitant le château des environs, tente lui aussi de séduire discrètement la
jeune fille en l’invitant au bal annuel qu’il donne pour ses congénères…
Mon avis : Le Bal des Vampires a mis plus de quinze
ans pour être enfin présenté dans le pays qui l’a vu naître ! Créé en 1997
à Vienne, en allemand, ce spectacle musical est en effet l’adaptation sur scène
du film de Roman Polanski sorti sur les écrans 30 ans auparavant. Juste retour
des choses, la version française de la comédie musicale possède le grand
avantage d’être mise en scène par son propre auteur, Roman Polanski lui-même.
Disons le sans ambages, Le
Bal des Vampires est un grand, très grand spectacle. On en prend plein les
mirettes. Sur le plan de l’esthétique, des images, de la scénographie, des
décors, des costumes, des chorégraphies et des voix, c’est un des plus aboutis
que j’aie vu. Je le place quasiment au
niveau de la version anglaise des Misérables
qui avait été présentée au Châtelet en 2010 et que je tiens pour le plus exaltant
spectacle musical auquel j’ai assisté.
Pourtant, si je ne le mets pas au même niveau, c’est parce
que j’ai quelques réserves à émettre… Pour être précis, ce Bal des Vampires m’a plu à 80 pour sang. Et, à la sortie,
énormément d’avis abondaient dans le même sens : c’est une comédie
musicale, mais elle pêche par… ses chansons ! Pour moi, la musique qui
habille ce spectacle s’apparente plus à de l’opéra. Mais j’y reviendrai de
façon plus explicite à la fin de cette critique.
Abordons d’abord les points positifs et emballants de ce Bal des Vampires. Ceux auxquels que je
classe sous le titre générique de Rhésus O+…
Rhésus O+
-
L’orchestre
qui joue en live… C’est magistral, ça donne un aspect musique de film. Il y
a des quantités de couleurs musicales différentes qui soulignent les climats des
différentes scènes. Il y a de l’ampleur, il y a de l’intime, il y a du frisson,
il y a de l’allégresse. Et il y a de nombreuses trouvailles sonores. C’est de
la belle et grande musique.
-
Les
décors… Ils sont juste remarquables et ils donnent lieu à de magnifiques
tableaux. Comme cette auberge qui pivote à 360° pour se métamorphoser en
chambres à coucher, cette crypte qui sert de dortoir aux vampires, ce
cimetière, ou ce tout premier tableau du second acte qui fait penser à un
calendrier de l’Avent… Dans ce domaine, c’est un sans-faute absolu.
-
La
scénographie… Il neige sur scène ! L’utilisation du travelling comme
au cinéma nous permet de voyager dans une dense forêt de Transylvanie ou d’accéder
au château du Comte. Les projections donnent de la profondeur, de l’espace, du
dépaysement. Et, surtout, cette performance technique hallucinante grâce à
laquelle on n’aperçoit pas les reflets des vampires dans les miroirs alors que
l’on distingue parfaitement ceux des humains qui sont avec eux !... On
voit qu’on a vraiment mis de gros moyens.
-
Les
lumières… Elles sont essentielles pour l’ambiance des différentes phases de
l’action. Un éclairage particulièrement travaillé nous met en présence de véritables
tableaux de maîtres. Une couleur dominante (le gris, le rouge…) traduit donne
le ton à certaines scènes et les magnifie.
-
Les
costumes et les maquillages… Ils sont simplement prodigieux. Il y a plus de
200 costumes et 150 perruques ! Il y a deux ou trois tableaux qui ne sont
pas sans rappeler La Nuit des
morts-vivants ou le clip de Thriller
de Michael Jackson.
-
Les
chorégraphies… Elles nous emportent et nous fascinent. Quelques une nous
font vivre de grands moments. Il y a des portés dignes de l’opéra, voire de l’acrobatie.
Quelle maîtrise, quelle virtuosité et, surtout, quel travail ! j’ai adoré entre
autres la scène qui se déroule autour du grand lit à baldaquin où sont assoupis
le Professeur et Alfred et, bien sûr la grande scène du bal.
-
Les
comédiens… Là aussi, le casting est parfait. Ils sont tous épatants. Mention
spéciale toutefois au personnage du Comte, à celui de Koukol, sorte de
Quasimodo des Carpates particulièrement inquiétant, et à celui de Yoine Chagal
pour sa truculence.
-
Les voix…
On ne peut que s’incliner. Elles sont toutes véritablement
impressionnantes. Là aussi, pour certains, on frise de très près l’opéra.
Mention spéciale là encore pour le coffre du Comte et pour le morceau de
bravoure (très applaudi) qu’est la chanson du Professeur avec un débit effréné.
C’est une sacrée performance.
-
L’humour…
Il est permanent. On rit bien plus souvent que l’on est effrayé. C’est le but
recherché puisqu’on est dans la parodie et de détournement, et il est tout à
fait atteint.
Passons enfin aux quelques griefs que je formule et que je
classe donc en toute logique sous le terme de Rhésus O-
Rhésus O-
-
Les
chansons… Si l’on fait abstraction du seul énorme tube qu’est l’adaptation
du somptueux Total Eclipse of the Heart,
signé Jim Steinman, le compositeur du Bal
et immortalisé en 1983 par Bonnie Tyler, je n’ai guère retenu que la fameuse
performance vocale du professeur dans laquelle il parle de logique et de
science, ainsi qu’une chanson interprétée joyeusement par Yoine Chagal. Pour le reste, on a droit la
plupart du temps à des chansons très lentes, parfois symphoniques, qui se traînent
en longueur. Elles ne doivent pas être simples à interpréter. Si bien qu’en
dépit de la qualité vocale des chanteurs et chanteuses, on a tendance à
décrocher assez vite. Bref, pour des Vampires ou des chasseurs de Vampires, je
ne les ai pas trouvées assez… incisives... Bien sûr, c'est le livret qui a été conçu ainsi et les chanteurs n'ont absolument rien à se reprocher, au contraire.
-
Leur
adaptation… La transfusion des textes originaux a été plutôt réussie par
Nicolas Nebot. Là aussi, le boulot n’était pas évident car il y a un phrasé
très particulier. Il faut le faire le découpage d’une chanson qui s’étire en
longueur… Il y a néanmoins quelques petites choses qui m’ont écorché l’oreille ou
des options auxquelles je n’ai pas adhéré. J’ai trouvé maladroite la formule « La
mort vous change un homme » (puis « une femme »). C’est pour le
moins une lapalissade d’un goût douteux… Enfin, daans l’adaptation de Total Eclipse of the Heart, la volonté
de placer à tout prix la sonorité « Forever » (en faux rêveur) au
dépit du sens et celle de garder le mot « Eclipse » pour en faire un
vilain « éclipser mon cœur »… Mais c’est tout, le reste est parfait.
Respect pour ce travail d’orfévre.
-
Quelques
longueurs… Ou langueurs. Il y a certaines scènes qui sont trop longues (la mort de Chagal, par exemple) et
qui, illustrées par une chanson qui se traine elle aussi, gâchent le rythme du
spectacle.
En conclusion, La Bal
des Vampires est un spectacle réellement magnifique, qui ne vous décevra
pas et dont vous garderez longtemps en mémoire la magnificence de certains
tableaux dignes de la peinture ou du cinéma.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire