mercredi 29 octobre 2014

Le Bal des Vampires

Théâtre Mogador
25, rue de Mogador
75009 Paris
Tel : 01 53 33 45 30
Métro : Havre-Caumartin / Chaussée d’Antin / Trinité / Auber

Livret et paroles de Michael Kunze
Musique de Jim Steinman
Mise en scène de Roman Polanski
Chorégraphies de Dennis Callahan
Scénographie de William Dudley
Costumes créés par Sue Blane
Lumières créées par Hugh Vanstone
Adaptations des chansons de Nicolas Nebot
Avec David Alexis (le Professeur Abronsius), Daniele Carta Mantiglia (Alfred), Rafaëlle Cohen (Sarah), Solange Milhaud (Rebecca Chagal), Pierre Samuel (Yoine Chagal), Stéphane Métro (le comte Von Krolock), Sinan Bertrand (Herbert Von Krolock), Moniek Boersma (Magda), Guillaume Geoffroy (Koukol)…

L’histoire : Le Professeur Abronsius, un excentrique scientifique de l’université de Königsberg, n’a qu’une obsession : prouver au monde l’existence des vampires.
Accompagné par son fidèle assistant, le jeune Alfred, et avec pour seule arme son indéfectible foi en la logique et la science, il se lance dans cette quête un peu folle à travers les contrées sauvages de la Transylvanie.
Une tempête de neige va pousser nos deux héros à faire escale dans l’auberge de Yoine et Rebecca Chagal. Là, des indices tels que des guirlandes de gousses d’ail placées en abondance un peu partout dans la maison vont faire comprendre au Professeur qu’il est sur la bonne voie. Alfred, quant à lui, va tomber immédiatement sous le charme de la jeune Sarah, la fille des Chagal.
Le comte Von Krolock, vampire sombre et charismatique habitant le château des environs, tente lui aussi de séduire discrètement la jeune fille en l’invitant au bal annuel qu’il donne pour ses congénères…

Mon avis : Le Bal des Vampires a mis plus de quinze ans pour être enfin présenté dans le pays qui l’a vu naître ! Créé en 1997 à Vienne, en allemand, ce spectacle musical est en effet l’adaptation sur scène du film de Roman Polanski sorti sur les écrans 30 ans auparavant. Juste retour des choses, la version française de la comédie musicale possède le grand avantage d’être mise en scène par son propre auteur, Roman Polanski lui-même.


Disons le sans ambages, Le Bal des Vampires est un grand, très grand spectacle. On en prend plein les mirettes. Sur le plan de l’esthétique, des images, de la scénographie, des décors, des costumes, des chorégraphies et des voix, c’est un des plus aboutis que j’aie vu. Je le place quasiment au  niveau de la version anglaise des Misérables qui avait été présentée au Châtelet en 2010 et que je tiens pour le plus exaltant spectacle musical auquel j’ai assisté.
Pourtant, si je ne le mets pas au même niveau, c’est parce que j’ai quelques réserves à émettre… Pour être précis, ce Bal des Vampires m’a plu à 80 pour sang. Et, à la sortie, énormément d’avis abondaient dans le même sens : c’est une comédie musicale, mais elle pêche par… ses chansons ! Pour moi, la musique qui habille ce spectacle s’apparente plus à de l’opéra. Mais j’y reviendrai de façon plus explicite à la fin de cette critique.


Abordons d’abord les points positifs et emballants de ce Bal des Vampires. Ceux auxquels que je classe sous le titre générique de Rhésus O+…
Rhésus O+
-          L’orchestre qui joue en live… C’est magistral, ça donne un aspect musique de film. Il y a des quantités de couleurs musicales différentes qui soulignent les climats des différentes scènes. Il y a de l’ampleur, il y a de l’intime, il y a du frisson, il y a de l’allégresse. Et il y a de nombreuses trouvailles sonores. C’est de la belle et grande musique.
-          Les décors… Ils sont juste remarquables et ils donnent lieu à de magnifiques tableaux. Comme cette auberge qui pivote à 360° pour se métamorphoser en chambres à coucher, cette crypte qui sert de dortoir aux vampires, ce cimetière, ou ce tout premier tableau du second acte qui fait penser à un calendrier de l’Avent… Dans ce domaine, c’est un sans-faute absolu.
-          La scénographie… Il neige sur scène ! L’utilisation du travelling comme au cinéma nous permet de voyager dans une dense forêt de Transylvanie ou d’accéder au château du Comte. Les projections donnent de la profondeur, de l’espace, du dépaysement. Et, surtout, cette performance technique hallucinante grâce à laquelle on n’aperçoit pas les reflets des vampires dans les miroirs alors que l’on distingue parfaitement ceux des humains qui sont avec eux !... On voit qu’on a vraiment mis de gros moyens.
-          Les lumières… Elles sont essentielles pour l’ambiance des différentes phases de l’action. Un éclairage particulièrement travaillé nous met en présence de véritables tableaux de maîtres. Une couleur dominante (le gris, le rouge…) traduit donne le ton à certaines scènes et les magnifie.
-          Les costumes et les maquillages… Ils sont simplement prodigieux. Il y a plus de 200 costumes et 150 perruques ! Il y a deux ou trois tableaux qui ne sont pas sans rappeler La Nuit des morts-vivants ou le clip de Thriller de Michael Jackson.
-          Les chorégraphies… Elles nous emportent et nous fascinent. Quelques une nous font vivre de grands moments. Il y a des portés dignes de l’opéra, voire de l’acrobatie. Quelle maîtrise, quelle virtuosité et, surtout, quel travail ! j’ai adoré entre autres la scène qui se déroule autour du grand lit à baldaquin où sont assoupis le Professeur et Alfred et, bien sûr la grande scène du bal.
-          Les comédiens… Là aussi, le casting est parfait. Ils sont tous épatants. Mention spéciale toutefois au personnage du Comte, à celui de Koukol, sorte de Quasimodo des Carpates particulièrement inquiétant, et à celui de Yoine Chagal pour sa truculence.
-          Les voix… On ne peut que s’incliner. Elles sont toutes véritablement impressionnantes. Là aussi, pour certains, on frise de très près l’opéra. Mention spéciale là encore pour le coffre du Comte et pour le morceau de bravoure (très applaudi) qu’est la chanson du Professeur avec un débit effréné. C’est une sacrée performance.
-          L’humour… Il est permanent. On rit bien plus souvent que l’on est effrayé. C’est le but recherché puisqu’on est dans la parodie et de détournement, et il est tout à fait atteint.

Passons enfin aux quelques griefs que je formule et que je classe donc en toute logique sous le terme de Rhésus O-
Rhésus O-
-          Les chansons… Si l’on fait abstraction du seul énorme tube qu’est l’adaptation du somptueux Total Eclipse of the Heart, signé Jim Steinman, le compositeur du Bal et immortalisé en 1983 par Bonnie Tyler, je n’ai guère retenu que la fameuse performance vocale du professeur dans laquelle il parle de logique et de science, ainsi qu’une chanson interprétée joyeusement par Yoine Chagal. Pour le reste, on a droit la plupart du temps à des chansons très lentes, parfois symphoniques, qui se traînent en longueur. Elles ne doivent pas être simples à interpréter. Si bien qu’en dépit de la qualité vocale des chanteurs et chanteuses, on a tendance à décrocher assez vite. Bref, pour des Vampires ou des chasseurs de Vampires, je ne les ai pas trouvées assez… incisives... Bien sûr, c'est le livret qui a été conçu ainsi et les chanteurs n'ont absolument rien à se reprocher, au contraire.
-          Leur adaptation… La transfusion des textes originaux a été plutôt réussie par Nicolas Nebot. Là aussi, le boulot n’était pas évident car il y a un phrasé très particulier. Il faut le faire le découpage d’une chanson qui s’étire en longueur… Il y a néanmoins quelques petites choses qui m’ont écorché l’oreille ou des options auxquelles je n’ai pas adhéré. J’ai trouvé maladroite la formule « La mort vous change un homme » (puis « une femme »). C’est pour le moins une lapalissade d’un goût douteux… Enfin, daans l’adaptation de Total Eclipse of the Heart, la volonté de placer à tout prix la sonorité « Forever » (en faux rêveur) au dépit du sens et celle de garder le mot « Eclipse » pour en faire un vilain « éclipser mon cœur »… Mais c’est tout, le reste est parfait. Respect pour ce travail d’orfévre.
-          Quelques longueurs… Ou langueurs. Il y a certaines scènes qui sont trop longues (la mort de Chagal, par exemple) et qui, illustrées par une chanson qui se traine elle aussi, gâchent le rythme du spectacle.


En conclusion, La Bal des Vampires est un spectacle réellement magnifique, qui ne vous décevra pas et dont vous garderez longtemps en mémoire la magnificence de certains tableaux dignes de la peinture ou du cinéma.

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